13 : 07 : 10

une cabane

Une cabane n’est pas une maison. Une cabane, cela perche dans le Colorado à deux jours de marche de tout habitat, au fond des calanques, ou dans les jardins ouvriers de Berlin Ouest enserré par la guerre froide. Il pleut sur une cabane. Il pleut du soleil, il pleut une bruine regardée du pas de porte. Il pleut toujours, même des étoiles, mais on est DANS la cabane, à l'abri, replié(s). Une cabane est une grotte isolée. Car une cabane, c’est plus rustre qu’une guer mongole ou une case sur pilotis en Amazonie ou au Laos, même qu’une boite de survie collective bricolée dans un bidonville de Mumbai.

Chassons cependant sans délai les mauvais esprits et les erreurs de jugement : loin, loin, la puanteur vernissée des rengaines au Canada, fleurettes comprises, et les pissotières « au fond du jardin ». Sophistiqué chalet ou vulgaires planches. Pas des cabanes.

Une cabane sert à jardiner ou à chasser ou à penser en fumant la pipe dans l’ondée et la rosée. Il y a peu de choses dans une cabane. Quelques instruments (couteau, fusil, jumelles, sécateur, pelle, ouvre-boîte...). Quelques lectures de survie : manuel de pêche, Thoreau ou Walt Whitman, spécialement Feuilles d’herbe dans l’édition de 1909 avec un envoi du traducteur, Grey Owl et ses castors du Saskatchewan, Winsor McKay, un album sur la campagne anglaise, une visite à Claude Monet, des promenades chamaniques, Les Cent vues du mont Fuji... Des provisions de bouche aussi, qui rapprochent du marin en plein océan et du campeur égaré dans le Chiapas : sardines, pâté Hénaff, parfois terrine d’écrevisses ou bocal de ratatouille.

On est un peu hébété dans une cabane. On peut s’asseoir sur un tapis et des coussins berbères sales et élimés, discuter pour un pow-wow à la lueur vacillante d’une lampe la nuit, à deux-trois, sous les comètes. Boire du thé brûlant ou une lampée de whisky, tirée d’une flasque. On boit peu. On boit sec. Ca racle. Gorgée après gorgée.

Dans une cabane, tout incube. Les maladies comme la méditation.

Je viens de finir d’installer ma cabane en fond de cour-jardin à Montmartre et j’ai l’intention de m’y retirer. D’y partir. De côtoyer Conrad ou London, de cracher avec Villon. De détourner la ville avec un cube d'imaginaire précaire, mobile, humant le bois, la résine. Une cabane se greffe n’importe où, surgit à contrepoint.

Peut-être pour me taire. Peut-être pour inviter. Peut-être pour y jouer avec mon dernier fils. Peut-être pour tresser des chroniques, des chroniques de cabane. Cela risque de me rendre encore plus bizarre et atypique par rapport, non pas au monde qui nous entoure, mais à son interprétation convenue.

En effet, je ne VOIS décidément pas comme mes contemporains. Détestant autant l’abscons radical et protecteur que la bouillie imprécise, récupératrice, inculte, molle et sale, qui étouffe tout, surtout les quelques besogneux avec conscience.

Je me reconnais pourtant en quelques-unes et quelques-uns, partout, hier, demain. Dans ma cabane, je peux bouder. Mépriser. Cesser de me répandre devant la médiocrité et le vol. Dans ma cabane, je regarde en oiseau planeur. Je fume ou je rêve que je fume de l’Amsterdamer au pain d’épices. Dans ma cabane, je suis loin, près des grands lacs et des coureurs des bois, de la mousson et des Yaos avec du thé de forêts primaires à si longues feuilles et jus ambré.

On va trouver certains de mes livres en ligne (cinq). Je me soucie de la diffusion des films, jusqu’au dernier au Mali (minimal et théorisant la vanité des images). Et prépare des séquencettes avant un long-métrage de fiction. La cabane n’est pas un cercueil-express pour retraite avancée… Une éclipse juste, une bouffée d’air, un coma.

Faut-il y clouter une poire à poudre et vivrai-je assez pour en faire un tour complet ? Pas sûr. Regardons ailleurs.

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01 : 06 : 10

Yesterday Chomsky

I heard Noam Chomsky yersterday and was very disapointed because I felt this was a yesterday way of thinking. Chomsky still lives in a capitalist-marxist world, even if he likes Bakunin : one global world against another global world. One unique model against another unique model, both built by Europe and North America.

This monotheist way of thinking is out. The struggle is now between the capitalist/industrial model against many other ways of thinking coming from all over the world by mutant people.

It is a matter of fact that nowadays, in the age of Internet, we do live in a new world, a ubik world. The real choice is between one global economy/one global way of life against pluralists ways of thinking and living : one productivist and anti-democratic business against various ways to protect nature and cultures, to move and experiment. In this local-global and retro-futuro perspective, everyone everywhere is able to change her or his life. Then everyone, from Lao jungle or Mali, is as interesting and valuable as an intellectual from Philadelphia. Everyone is able to choose micro-economics and reject many aspects of global attitudes. Everyone speaks all over the world to stop this non-sense, these global ecological dangers.

That is our new relative world. The World of Relativity that pluros-futuros build. A non-stop moving world. A world of bio-diversity, economico-diversity, politico-diversity, culturo-diversity. No perfection. Create yourself everyday. Learn to choose. And change.

 

P.S. I am very sorry because, these days, you don\\\'t see many new material on this website. In fact, I am just working to publish 5 books that you will be able to buy on-line (novels and philosophy). I am also finishing 5 movies (1h45 each) of what we call "cinema espresso" about important questions of our moving world. They have been prepared in Europe, in Japan, in Mali and in India.

Above, a picture of "los pueblos indigenas Triquis"  in the independant city of San Juan Copala Oaxaca (Mexico). Independant for a while or for a long time ? With others ?

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12 : 05 : 10

Vieilleries

Un âge advient où nous nous mettons à penser que nous réalisons beaucoup de choses pour la dernière fois. Certaines ou certains ne le supportent pas. Pris par cette déréliction de bonne heure, j’ai toujours fait l’effort d’aller voir le bout de la rue à Valparaiso, persuadé que j’étais de ne plus jamais y retourner. D’autant que je n’y suis jamais allé.

J’ai ainsi rencontré des personnes en les imaginant mortes sous peu. Et elles sont mortes. Non, ne fermez pas votre porte, d’autres vivent. Je suis même capable de dire mon affection ou mon admiration à quelques-unes ou quelques-uns.

Mais le pire du passage du temps, celui de la plus sombre mélancolie, tient au fait de savoir que des situations n’existeront plus. Ta cervelle se charge tout soudain de pluie. Tes pieds pèsent comme les colonnes d’un temple. Tu ne penses plus qu’à des morts. Tu parles aux morts.

C’est l’acide sulfurique qui ronge nos plaisirs journaliers.

Aujourd’hui, j’ai visité ma tante de 107 ans. Un pavillon "moderne", ce qui veut dire moche et géométrique. Des couloirs labyrinthiques déserts et trop chauds. Des portes ouvertes avec un gisant râlant, nu, ou une vieille en peignoir échevelée, qui se cache. Une folle vous colle pour dire qu'on lui a volé sa chambre.

Ma tante dormait paisiblement, ne voit plus, entend difficilement, ne se déplace pas. Que faire ? Continuer ce néo-coma ? Abréger ?

Le vieillissement général de la population nous pose des questions inédites. En dehors de la question matérielle de la transmission du patrimoine –s’il y a—, qui advient désormais lorsqu’on n’en a plus besoin, car je pense toujours qu’il faut supprimer l’héritage (sauf une somme forfaitaire égale à prendre quand on veut dans la vie).

Non, la question est morale et sentimentale. Donc beaucoup plus cruelle. Elle concerne les autres et soi-même.

Il existe une injustice de la retraite. Injustice financière avec des vieux pauvres et des jeunes-vieux qui sillonnent le monde.

Injustice aussi dans l’état physique et mental : corps et esprits détruits ; âmes en peine de personnes en pleine santé physique et mentale soudain jetées à la porte. Il est probable qu’entre 55 et 80 ans il faille trouver des formules à la carte avec du temps aménagé. Cela doit se faire dans une pensée nouvelle de l’organisation du travail, de l’image du travail, de la notion d’utilité sociale, où le bénévolat entre en ligne de compte. Pas de travail-bagne et de loisirs-paradis de la consommation.

Et puis reste le regard sur ce qu’est un être "fini"/désintégré. Au-delà de notre terrible épidémie de cancers, quel intérêt de faire durer les absents ? Quelle torture pour les familles de voir des êtres aimés se déliter mentalement et physiquement, jusqu’à devenir méchants ou inertes ?  Si le degré zéro de conscience apparente (le « légume ») est abordé, la méchanceté de vieux aigris est occultée.

Soi-même, souhaite-t-on devenir un boulet pour ses proches en étant l’inverse de ce que l’on a pu montrer ? Comme Debord, il faut avoir la lucidité d’arrêter. Garder sa dignité. Préserver autrui.

Mais les autres ? Piquerons-nous ces vieux venimeux ou bavouillants ?

Ce qui est sûr est qu’il faut arrêter d’écraser la jeunesse par des puissants séniles s’accrochant à leurs privilèges de façon pathétique, regrettant sans cesse hier. Et cesser aussi de voir des intelligences vives se promener les bras ballants dans la rue, fantômes hagards, sous prétexte que l’âge fatidique est dépassé. Chômeurs du temps. Une nouvelle concordance des générations est nécessaire.

Elle s’accompagnera sûrement de solutions diversifiées des fins de vie où la mort ne sera plus taboue --comme dans beaucoup de sociétés à travers le monde.

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04 : 05 : 10

Têtes réduites

Méfiez-vous toujours des évidences, des bonnes consciences, des saints et des gourous. Préférez les imparfaits et inversez les raisonnements. Respirez. Respirons. Osons être à contre-courant. Bancals mais honnêtes.

Deux exemples : la contrition mémorielle et la restitution des œuvres d’art.

Qui aujourd’hui justifie les génocides, les massacres, les horreurs ? Seuls les tenants des guerres saintes, des éliminations ethniques. Mais attention quand même : ils y croient et succèdent à une longue lignée de rétros. Ils se voient même comme les derniers héros du don de soi. Ils méprisent les sociétés « molles », décadentes face à celles de l’idéal. Les combattre suppose de choisir les moyens. En dehors d’une police planétaire pour éviter les expansions guerrières, le meilleur est peut-être de brandir d’autres images, d’autres façons de faire, d’autres courages, d’autres visions. De montrer que le devenir, la passion, l’épanouissement, la découverte, l’invention, l’humour sont ailleurs.

Il n’empêche, en Europe, des monos-rétros se sont acharnés à la fin du XXe siècle à vouloir corriger l’histoire, dans un torticolis rétro. Ce fut sensible sur la question de l’esclavage pris dans son unique dimension du commerce triangulaire entre Europe-Afrique-Amérique, en oubliant l’esclavage intra-africain, celui vers les pays musulmans ou à partir de l’Asie. Cela est vrai aussi concernant la volonté d’extermination des juifs d’Europe par les nazis : « la solution finale de la question juive », propos de la conférence de Wannsee le 20 janvier 1942, expression qui est d’ailleurs la seule non anachronique, contrairement aux mots « Holocauste » (utilisé dans le monde anglo-saxon) ou « Shoah » (en France), postérieurs.

La repentance est inopérante. Etrange pratique de nos sociétés, comme un achat d’indulgences. Au Japon, on reconstruit. Après 1945, on s’inspire du modèle vainqueur considéré comme plus opérant. De toute façon, la génuflexion, les offrandes lacrymales pratiquées par les criminels, sont un cautère sur une jambe de bois. Qui peut vraiment pardonner l’impardonnable ? Imposées aux générations suivantes, cela n’a aucun sens et est même injuste. Chacun est jugé sur ses actes propres.

Désormais, il est donc temps d’un travail d’histoire, répondant à un besoin de repères. Ces repères doivent continuer à être discutés et enseignés. Parallèlement, les crimes de nos sociétés européennes deviennent de plus en plus d’une autre nature : injustices sociales croissantes, fragilisation morale avec des individus assistés pour être mieux manipulés et destructions environnementales. Nous pourrions ajouter --sans que cela soit un crime-- absence de vraie démocratie de l'information au niveau planétaire dans notre guerre mondiale médiatique.

Dans d’autres sociétés, il s’agit encore de coercition religieuse, d’absence de liberté politique et de mœurs contraintes ou de guerres et d’agressions qui apparaissent de plus en plus systématiquement comme des crimes contre la communauté humaine. Les femmes ou les homosexuels subissent en certains endroits des pratiques cruelles et injustes. Parfois, il s’agit simplement du fait que la différence n’est pas possible dans une micro-communauté. Voilà la nécessité d’un Pacte terrien évolutif, qui n’impose pas les règles de la bonne conscience occidentale, mais rebatte les cartes et oblige à examiner toutes les questions de différents points de vue, même la peine de mort ou l’absence de liberté politique.

Pour enfin une explosion comportementale ? La constatation de nos identités imbriquées ? Une démocratisation grâce à Internet ? Des sources plurielles ? Ou des volontés de tout contrôler et d’accroître l’exercice de consommateurs passifs ? La dispersion des modèles avec des îlots autarciques ? Je n’ai cessé d’écrire que la mondialisation, avec ses tendances à l’uniformisation, créerait ipso-facto des réactions grégaires de sociétés figées vivant en blocs, tandis que le grand combat à venir pour les autres serait entre le modèle de la diversification et celui de la robotisation, des clones.

Dans l’état des sociétés actuelles, les monos-rétros se fixent ainsi sur un aspect d’hier pour n’en plus changer. Les rétros-futuros choisissent, trient. Les pluros-futuros y ajoutent une exigence de diversité fondamentale dans leur conception du monde : ils cherchent à ce que personne ne se ressemble, considérant l’altérité comme une richesse et comme une exigence. Nous, pluros-futuros, défendons l’altérité, moteur du devenir.

La restitution des œuvres d’art participe du même phénomène. Le principe paraît indiscutable. Mais la réalité l’est moins. Les objets ont circulé de tous temps sur la planète, créant des influences multiples (les « routes de la Soie » étant un des plus célèbres exemples). De plus, les frontières ont changé. Appliquer aujourd’hui un nationalisme artificiel à des œuvres ou objets considérés comme artistiques est aberrant. La France va-t-elle faire rapatrier tous les objets fabriqués sur son territoire et désormais aux Etats-Unis ? Va-t-elle réclamer de l’argent pour les travaux scientifiques et les fouilles réalisés outremer ? Va-t-elle monnayer ses inventions et leurs utilisations, comme la photographie ? Les historiens du Sénégal, eux-mêmes, considèrent la phase coloniale comme un temps de leur histoire avec ses aspects positifs et négatifs. Ils se réjouissent des objets sauvés, des traces photographiques, des films réalisés. Quant à l’Egypte, qui regorge d’œuvres antiques, n’a-t-elle pas beaucoup gagné en images (et en tourisme) à être une des civilisations les plus répandues dans le monde ? Le chantage à l’histoire dans les institutions internationales n’a jamais servi qu’à renforcer des personnalités corrompues et à engraisser des pouvoirs autoritaires sans que rien ne parvienne aux peuples.

Le temps d’une pensée envisageant un patrimoine commun est donc venu, d’une conservation partagée. Il importe que les pièces puissent circuler. Il est fondamental qu’elles soient visibles sur le Net. La planète est un bien commun. Nous sommes responsables des Bouddhas de Bâmiyân comme de la défense de l’époisses au lait cru.

Notre temps doit être un vrai temps d’échanges, de partages, d’inversion de points de vue. C’est un monde singulier-pluriel que nous voulons bâtir --refusant les pièges idéologiques du passé-- où chaque individu parle et est responsable du tout.

 

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24 : 04 : 10

é - pa - nou - i

Déjeunant frugalement avec un ami sagace qui ne m'avait point aperçu depuis longtemps --qui a un "oeil" de surcroît, un photographe-- je me suis entendu dire à plusieurs reprises une sentence dont je ne suis toujours pas remis : je te trouve  é - pa - nou - i . Pas épanoui, bêtement et sec, court et définitif, non : é - pa - nou - i.
 
J'avoue que cela rassure et fait plaisir, alors qu'on se sent très fatigué, de paraître heureux dans le regard d'un autre. Avais-je le sourire bonhomme et mécanique du dépressif juste avant de se flinguer ? Nenni : é - pa - nou - i , vous dis-je.
 
Pourtant, je reste un naïf pragmatique, refusant la combinazione. De plus, imaginez-vous que, depuis l'enfance, l'injustice m'est insupportable et me mets dans des colères épileptiques. Alors, vous imaginez le décalage avec la société qui m'entoure... Petit à petit, j'ai appris le mépris. L'indifférence pour les cloportes m'est venue en voyageant loin. Alors : é - pa - nou - i .
 
Tiens, un certain Bertrand Tillier découvre que des artistes de gauche pouvaient faire des dessins antisémites pendant l'affaire Dreyfus. Naturellement, il ne cite aucunement mes travaux sur le dessin de presse (ni d'ailleurs ceux sur l'art de son collègue d'université Philippe Dagen). Tillier, vous ne le connaissez probablement pas. Il n'est ni pire ni meilleur que d'autres (et réalise des textes plutôt sérieux, même s'ils peuvent sembler parfois trop anachroniques, liés à notre actualité d'aujourd'hui, pour vendre ses thèses). Son exemple illustre cependant la dérive actuelle du travail scientifique vers l'aimant médiatique.

L'oubli, l'inculture et le manque de scrupules développent en effet une vague de petites frappes prêtes à tout. Déjà nos "nouveaux philosophes" sentaient le racorni marketing en découvrant les méfaits du communisme d'Etat à la fin des années soixante-dix. Maintenant, c'est la foire d'empoigne pour des récupérations tous azimuts. Bon, ils en seront encore à ramasser nos crottes, que nous seront loin... Eéé - pa - nou - iiiiii.
 
Me voilà à Dijon. Temps radieux. Je m'octroie une des rares terrasses farniente de l'année. Place centrale, blanche sur ciel bleu, face à la mairie. Quelques copeaux de lomo, bien peu bourguignons, mais bons. Et puis un essaim apparaît à gauche tandis que personne ne bouge. Un gros essaim avec des bourdons à caméra et des perches à micro, façon bataille de San Romano. Une Reine se déplace entraînant toute la troupe énervée, affairée, bruissante, électrique. Et stengin monstrueux avance. D'un seul coup, ne vlati pas qu'il fonce vers notre groupe de tables. Je frémis, prêt à gicler, m'enfuir pour échapper à la mêlée.
 
Mais ouf, la Reine, longue, filiforme, bronzée, dents blanches et sourire scotché, brushing et laque, sort de la meute qui se dispose en haie et mitraille. Mitraille rien. La Reine n'a rien à dire. Elle parade, fait semblant de serrer les paluches de copains inconnus 2 secondes avant, bise des femmes anonymes comme de vieilles tantes. Et ça prend des images. Des images de rien. Puis l'essaim part dans le brouhaha vers une rue à droite.
 
On me glisse qu'un certain Villepin est en campagne électorale. Eé - pa - nou - iiiii. Je crois que je vais me taper une andouillette aux graines de moutarde. Eé - pa - nou - iiiiii.
 
Voilà. Encore une erreur de casting. Où sont les déchets ?

Ce faisant, s'inaugurait à Dijon une très grande manifestation culturelle titrée "Tout garder ? Tout jeter ? Et réinventer ?". Elle met en réseau d'avril à septembre quelque 100 événements différents dans la ville sur ce thème fondamental quant à l'avenir de nos sociétés. Je lançais avec Othello Vilgard le film Où sont les déchets ? tourné en Inde, un long poème entre rêve et cauchemar du "cinéma espresso".
 
Epanoui ? En tout cas dégagé, sachant ce qui est accompli, s'occupant de l'essentiel. L'heure est au tri sélectif , parmi les personnes, parmi les événements. Profitant de tout, ne se satisfaisant de rien.

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21 : 04 : 10

La mode du disparate

Le collage, le ready made, le cut up, le détournement furent assurément des caractéristiques majeures du XXe siècle. Une forme d’insolence face aux produits industriels que Picasso et Braque utilisèrent tôt dans le cubisme. D’une façon nonchalante, le groupe de Bloomsbury sut user du dépareillé, de la récupération, entre brocante et réinvention. Voilà ce qui hante nos temps.

Non pas, comme on l’a cru à tord, un post-modernisme, car le modernisme contenait en lui-même son auto-dérision entre Dada et pop-art. Ni même une vague de compilations nostalgiques (parfois vomitivement kitsch comme celles du décorateur Jacques Garcia). Mais une forme de concordance des temps et des civilisations. Au moment où le portable hante les steppes et les savanes, le tissu dogon se propage, même fabriqué en Chine.

L’interpénétration devient patente, tandis que le « second hand » ou third, ou fourth… permet de recycler. La consommation à outrance d’un « nouveau » pas si nouveau arrive à son terme. Nous pénétrons le temps du choix, qui peut être aussi celui du mouvement et du caprice.

Chacune et chacun diversifie la diversité. Voilà vraiment notre ère rétro-futuro et locale-globale, où nous allons pouvoir nous déterminer et évoluer. Plus que jamais "pluro-futuro". Amusons-nous. La mort arrivera assez vite.

Il fait bô...

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21 : 04 : 10

Les vertus de l'ingratitude

Depuis plus de dix ans, j’aurais dû quitter le pays où je suis né. Donner des cours dans les universités américaines, par exemple, là où j’ai fait des conférences, ou me laisser tenter par les sirènes du Brésil, pays que j’apprécie tant et où j’ai monté un congrès mondial de musées en 2004. Mais, autant mes voyages sur tous les continents ont construit ma pensée, autant je suis malheureusement un casanier affectif.

 

De plus, étant peu courtisan et ayant toujours privilégié l’indépendance d’esprit, je l’ai payé cher –au sens propre. Mes amis me parlent --pas plus tard qu’hier-- de quarantenaires médiocres occupant des postes à 5000 euros par mois et j’hallucine. J’ai passé ma vie à travailler gratuitement, à aider bénévolement, à publier pour ne strictement rien toucher comme argent. Je rembourse désormais avec difficulté un prêt immobilier dans une ville (Paris) où la vie quotidienne est très chère. Bon, on ne va pas pleurer dans les chaumines, quand d’autres basculent dans la clochardisation. Mais c’est injuste et usant.

 

La formidable chance de tout cela est que cette situation me laisse totalement libre. Libre vis-à-vis de celles et ceux qui se trompent depuis 40 ans, virevoltent au gré des modes et nous rabâchent quelques idées marketing, pour garder le pouvoir et l’argent. Totalement libre politiquement, n’ayant jamais eu aucune carte et même indemne des médailles dont on vous plastronne à peine la sénilité arrive. De surcroît, n’émargeant à aucun média, je puis rester parfaitement indépendant dans mes analyses, sans entrer dans ces jeux pervers de haines-copinages qui n’ont jamais le fond comme mobile. Enfin, j’ai réussi à choisir les étapes de mon parcours : histoire contemporaine, cinéma, écologie. Et chacune fut une vraie immersion, permettant de bouger les lignes.

 

C’est bien sûr l’inverse de la technique actuelle : les pragmatiques adeptes du saut de puce professionnel et de l’imperméable (tout me glisse dessus, je me fous de là où je suis et de celles et ceux qui m’entourent, je m’occupe seulement de limiter les risques et de rebondir plus loin). C’est la nouvelle stratégie du TPMP : tout pour ma pomme. Idées, souci social, œuvre, aucun intérêt : ma carrière et mon confort. Les crises nivèlent et forment des esclaves dociles. Très français. On administre.

 

Je suis et resterai à l’inverse de tout cela. Il m’a fallu attendre et souffrir longtemps pour comprendre mon inadéquation avec l’époque. Désormais, mes proches n’en voient que des avantages : cette façon de penser différente, en prise avec le monde, ouverte, intéresse et correspond parfaitement aux sociétés de spectateurs-acteurs se développant sur notre planète multipolaire. La philosophie de la relativité, les humains pluriels, l’écologie critique, le dialogue micro-macro, sont des pensées du futur qui se construit : pluro-futuro. Mes 5 longs-métrages posent des questions actuelles dans des formes variées. Ce site Internet, les livres qui vont sortir avec ceux en ligne, constituent des façons de voir différentes du martèlement mainstream.

 

Oui, nous, les sidestreams, émergeons. Respirons. Et beaucoup nous envient. Des échos parviennent du monde entier. Les faits confirment les pressentiments. Alors, il va falloir, si je dure encore un peu, résister à un nouveau péril : la récupération. Beaucoup vont m’apprécier tout soudainement. Là où j’ai été rejeté, on m’accueillera. Postes et honneurs peuvent advenir,  comme des hochets dangereux. Les idées seront volées sans vergogne.

 

Ainsi, en pataphysicien et en ami de Roland Topor, je rirai. L’ingratitude m’aura contraint à toujours innover, inventer, passer par des chemins de traverse. Cela fut commun aux temps passés. Cela est probablement encore plus en adéquation avec les temps à venir.

 

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20 : 04 : 10

Parlons économie

J’ai toujours pensé que l’économie n’était pas une science, mais un territoire à l’intersection de beaucoup d’autres. Pendant longtemps, les communistes m’expliquaient que l’économie dépendait purement et simplement de la politique. Puis, après la chute du mur de Berlin, ce fut le triomphe des économistes, gourous du laisser-faire. Désormais, je crois qu’il nous faut apprendre à passer les frontières, à comprendre la porosité. L’économie est du laisser-faire mais aussi de la politique, mais aussi de la psychologie sociale…

 

Cela fait longtemps que je déteste pareillement l’idée d’une croissance aveugle toujours plus injuste et destructrice de l’environnement d’un côté, et de l’autre celle d’une décroissance, d’un apauvrissement généralisé. Cela ne tient nullement compte des histoires, des pensées, des cultures. L’idée de croissance est celle d’une évolution, mais elle correspond à des évolutions différentes. Car le retour au local suppose des modes de vie différents suivant les quartiers de la ville, la ville et la campagne, New York et chez les Wayanas. Nous avons besoin de croissances diversifiées.

 

Même chose en ce qui concerne les entreprises. Certains les laissent se développer au profit quasi exclusif des propriétaires-actionnaires. D’autres voudraient qu’elles soient des administrations sans profit. Nous pouvons songer à des entreprises éthiques, qui font un profit redistribué en partie et réinvesti, avec des buts commerciaux choisis concernant le développement durable local et mondial. La puissance des consommateurs est, à cet égard, considérable. Elle concerne tant des micro-entreprises d’une seule personne que d’autres installées sur tous les continents. Elle concerne aussi le rôle de banques qui, ne l’oublions pas, sont nées pour certaines du mutualisme et de l’esprit coopératif.

 

Et que dire de la notion de travail ? « Ne travaillez jamais » écrivait Guy Debord sur les murs du Paris des années cinquante. Ce n’était pas le slogan d’un rentier paresseux, pour quelqu’un qui a beaucoup travaillé à faire ses revues, mais la contestation de la notion de travail. Dans les entreprises ou administrations éthiques (redevables à la collectivité, efficaces, supposant même le don gratuit pour la cité), il faut donner la possibilité de réaliser, supprimer les tâches uniquement pénibles et les rémunérer à mesure de leur pénibilité, permettre la dignité et l’épanouissement de l’individu. La frontière travail-loisir doit s’estomper, quand elle n’a pas trop de sens dans les forêts du Laos et que l’allongement de la durée de vie fait reconsidérer la barrière activité-retraite. Chacune et chacun se construit et apporte une contribution sociale, en fonction de ses goûts et de ses capacités, par des biais différents.

 

Ainsi, nous ne sommes ni actifs ou inactifs, ni jeunes, ni vieux, ni au travail ou en retraite, mais vivants ou morts, dans la société, pour bouger cette société, ou gravement malades. L’économie est une conception du monde. Abolissons les frontières !

 

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20 : 04 : 10

Je prends date...

Au temps des médias de masse, les conversations de café du Commerce sont proférées par des spécialistes-alibis, philosophes, sociologues, psys en tous genres. C’est pratique parce que n’importe qui s’affuble ainsi de ces titres. Et les journalistes comprennent, cela les rassure.

 

Dans les années 1970 (il en reste des séquelles) la mode était plutôt à la dissimulation par l’abscons. Moins on pigeait, plus c’était profond. Autre excès.

 

Il est difficile de se mouvoir dans ce marasme. J’ai plutôt choisi de faire simple et concis, mais sans rien céder –je l’espère—d’une exigence de pensée qui perturbe.

 

Vous le savez : il ne faut pas avoir trop d’idées. Il faut les labourer en délayant, en additionnant les citations-alibis qui font chic, à la cour de ses pairs, dans l’emphase du kougelhof gonflé, le millier de pages sérielles d’un même développement : au poids, ça compte. Répéter dans la caricature de soi-même, comme en France un Jean-Pierre Coffe, bon client multi-écrans pourfendeur de la bouffe merdique. Quel combat courageux…

 

Et pourtant il y a des phénomènes de société insupportables, qui seront sûrement jugés insensés dans l’avenir. Mais dont il convient de ne pas parler : incroyable cécité contemporaine, omerta bienséante. Faisons court. D’abord, observons toutes celles et tous ceux qui s’avancent parfois masqués et utilisent l’histoire et le communautarisme pour défendre leurs intérêts directs. La perversion est poussée loin quand il s’agit d’user de la repentance envers des personnes totalement innocentes des crimes du passé.

 

Jamais je n’utiliserai, par exemple, les persécutions subies sous Louis XIV par la partie protestante de ma famille. De quel droit ? C’est à chacun de prouver ici et maintenant ses vertus. Et il importe surtout de regarder désormais vers le futur pour construire autrement, car ce torticolis perpétuel n’a jamais rien réparé, souvent instrumentalisé les faits, et paralyse l’action pour avancer.

 

L’autre question délicate concerne les droits de l’homme. J’ai plusieurs fois rencontré quelqu’un comme Robert Badinter, que je respecte infiniment. Mais il faudra probablement intégrer le fait que des pensées et des conceptions du monde différentes se confrontent sur la planète. Ce n’est certes pas la raison, à l’inverse, pour défendre des comportements semblant indéfendables (comme l’excision), au nom de « coutumes ». Mais cela posera la question d’une base morale commune et de variantes, de possibilités de varier les variantes d’ailleurs, sans poser en diktat les « avancées » européennes. Pas des droits (et devoirs ?) de l’homme, mais un « Pacte des humains », un Pacte terrien, pouvant évoluer.

 

La relativité est aussi un échange des valeurs.

 

 

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17 : 04 : 10

Rumeur de nuage

Nous, Européens, vivons en avril 2010 le passage d'un monstre noir totalement invisible. Un deuil transparent de cendres diaboliques. J'étais à Berlin sous un soleil intense et un ciel transparent : tous les aéroports fermés. Après m'être fait arnaquer par les hôtels surbookés montant les prix sans complexe, j'ai traversé à prix d'or, dans des trains bondés avec mult changements, une Allemagne radieuse et agricole.

Paris resplendit aussi, tandis que les aéroports sont fermés pour trois jours. Tout le monde est calme. Pourtant, les gares explosent avec une grève parfaitement opportune de la SNCF (j'en viens).

Très étrange. Soit le danger est encore plus grand et nous sommes couverts de radioactivité. Soit cela se passe tellement haut que la poussière est diffuse et totalement invisible. Soit le principe de précaution a encore frappé et certains ont des intérêts cachés à cette fumisterie. Mais c'est pas clair. Pas clair du tout ce nuage invisible, cette rumeur de nuage virtuel.

Peut-être nous faudrait-il une émission de Fred et Jamy pour l'expliquer. Moi qui grogne et tempête contre mes amours télévisuelles définitivement déçues par le cloaque ambiant, j'ai été scotché par la dignité, la variété, la qualité d'un regard sur les Pygmées à 20h30 sur France 3. Sur le tas de boue, un crocus fleurit...

Pendant ce temps, à peine avais-je le dos tourné, que Michel Onfray assassine Sigmund Freud. Je ne l'avais pas attendu pour dénoncer l'aspect d'immonde secte que recouvrent souvent ces activités, devenues des flics de la normalité (psys en crèches et "cellules psychologiques"). J'exècre ces business de la douleur jouant sur la perte des repères et le malaise des sociétés occidentales. Cela dit, c'est plutôt le côté onéreux et placébo qui m'horripile, jargonneux aussi. Les fous qui m'entourent n'ont jamais guéri de rien. Moi non plus d'ailleurs, heureusement.

Alors, que Freud ait eu beaucoup de défauts, à vrai dire on s'en fout un peu. Les penseuses, les penseurs n'ont pas de certificat de sympathie à nous donner. Reconnaissons seulement qu'il a eu quelques presciences fortes, même à partir d'obsessions personnelles. La question est de savoir l'usage qui en est fait.

Personnellement, je ne pense pas qu'enfermer les individus dans des maladies toujours plus nombreuses soit, ni curatif, ni émancipateur. Cela en fait des esclaves dociles. A cela, il faut opposer un message de connaissance, de culture, de choix, de responsabilité, d'ouverture, de volonté et d'action. Tout le contraire de la plainte perpétuelle. Etre pluro-futuro, c'est cela.

Quand le typhon souffle la porte, on reconstruit la porte.

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