24 : 01 : 24

STOP NATIONS ET ASSIGNATIONS IDENTITAIRES

Les humains n’écoutent plus rien, hors hurlements. Il faut des catastrophes pour les mobiliser. Pourtant parler GENERAL aux humains pour qu’elles et ils en tirent des conséquences INDIVIDUELLES reste essentiel. Voyons large, voyons ici. Je ne pense pas être seul parmi les Terriennes et Terriens à me penser terriste.

Sortir des nations,

sortir de l’assignation identitaire

Il faut probablement désormais parler aux humains. Au temps où chacune et chacun est balloté dans le news market de la guerre mondiale médiatique et au temps où cette espèce (humaine) s’est organisée géographiquement et mentalement par pays, le changement d’échelle devient indispensable.

Partout, les conservatismes en effet sont à l’œuvre, comme si un idéal du repli rétro pouvait permettre d’affronter les périls. Faudra-t-il de grandes catastrophes pour balayer des manières de s’organiser et de penser absurdes ?

Arrêtons de se cramponner au niveau « moyen » : les nations

Cela fait des années que j’explique nos réalités stratifiées. Nous vivons l’ubiquité partout : ici avec un univers mental occupé de tout ce que nous recevons par écran interposé. Donc, sauf à de rares endroits, le localisme autarcique a cessé. De plus, ce localisme subit les dérèglements climatiques, les pollutions, le consumérisme ou les conflits qui bouleversent toutes les manières de vivre.

Je suis sidéré de pays comme la France s’agrippant à l’illusion d’un centralisme étatique alors que le local est vidé de ses pouvoirs et que le planétaire n’est pas structuré durablement. Un fait divers et il faut que le président de la République intervienne. C’est ridicule et inopérant.

J’ai écrit sur la nécessité de faire de l’histoire stratifiée. Quand comprendrons-nous qu’il faut décider de façon stratifiée : à chaque niveau (local, régional, étatique, continental, planétaire) ses compétences et ses mécanismes de représentation politique ? Plutôt que d’en appeler sans cesse aux nations, niveau « moyen » contraint, le retour au local et l’organisation du global (dans un local-globalisme indispensable) semble seul opérant.

Je vis ici (même arrivé depuis peu) et je m’intéresse à ce qui m’entoure, à mon directement visible sur lequel je puis agir. Je subis inévitablement l’ailleurs et nous pesons collectivement sur les différentes strates de décision.

Politiquement, il est temps de porter cette vision structurelle locale-globale en arrêtant de se bercer d’illusions à l’écart des réalités. Et ce n’est pas –souvenons-nous des accusations jadis contre les « apatrides »-- un défaut d’attachement, mais un cumul d’attachements (locaux, nationaux, communautaires, terrestres…) Oui, je me sens Français --mais pas seulement.

Arrêtons de considérer les individus dans un marquage identitaire

L’autre aberration des manières de se comporter aujourd’hui, au-delà de cette crispation nationale (fruit juste d’une petite partie de l’Histoire), réside dans l’assignation identitaire. Elle est insupportable. Mon premier roman dans les années 1970 s’intitulait Défaut d’identité (première partie de la trilogie Humain planétaire). Nous vivons partout cependant avec des identités imbriquées. Certes, des traditions locales et d’autres venues d’ailleurs, des religions ou des idéologies ou des goûts ou des orientations sexuelles nous marquent. Mais un des effets de l’ère industrielle des médias de masse apparus au milieu du XIXe siècle avec l’ère du papier et culminant aujourd’hui dans un tout-écran devenant tout-virtuel, réside dans le fait de morceler les goûts et les convictions évolutifs.

Donc pourquoi vouloir des raidissements claniques et communautaires ou genrés ? Pourquoi classer par prétendue couleur de peau (je ne suis pas blanc, comme les Africains ne sont pas noirs et les Asiatiques pas jaunes) ou aspect physique ou profession ? Pour l’illusion d’un repli dogmatique rassurant de groupe qui évite de choisir individuellement ?

Cela risque d’être balayé au rythme de nos bouleversements sociaux et environnementaux. Seule une philosophie de la relativité (et pas du relativisme) permet la conjonction évolutive des attachements : Homo Relativus. Songeons par exemple que --parce qu'il y a un retour fort des croyances-- toutes les religions sont des constructions humaines qui ont une naissance et une histoire et des évolutions.

Alors, de même que la démarche scientifique suppose l’aspect expérimental et critique dans le mouvement, la diversité d’attitudes et de modes de vie (la culturodiversité) est à défendre dans un choix rétro-futuro : ce qu’on veut conserver ou rétablir et là où on veut innover. Ce choix rétro-futuro devient essentiel pour préserver les façons de s’organiser et de s’exprimer dans une solidarité collective vitale, ici et partout. Les grands défis du technicisme et du commerce au nom du « progrès » (notion à interroger en tous points) relèvent de ce choix nécessaire : tester, accepter, refuser, rechercher autre chose, opter pour des « régrès » (selon l’expression d’Elisée Reclus) dans des solutions locales et globales.

Je suis un singulier-pluriel qui change et agit avec une pensée nécessairement généraliste-spécialiste. Bref, ne me définissez pas. Et vivons face aux défis d’ici et d’ailleurs.

Pour une pensée locale-globale terriste

Pour conclure, il est temps de modifier le regard des humains sur leurs comportements et leurs organisations. Vivons à la bonne échelle, celle du directement visible et de l’indirectement visible. Notre seul intérêt est le parti de l’environnement dans lequel nous vivons sur cette planète unique (notre « natrie »). Un exemple, j'écrivais dans le journal Le Monde du 14 mai 2023 : " Il serait temps de rassembler les initiatives en créant un Groupement international d’études des pollutions (GIEP), qui devrait s’inspirer de la structure collaborative mise en place avec succès par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)." L'idée chemine (sans me citer d'ailleurs, comme toujours à notre époque de piratage généralisé).

Alors, plutôt que d’être juste des Terriennes et des Terriens, devenons terristes, défenseuses et défenseurs d’une biosphère exceptionnelle que la prolifération humaine avec des actions criminelles (des pollutions aux guerres, qui sont toujours des guerres civiles) détruit et modifie.

Cela m’engage moi dans mes choix. Cela nous engage collectivement, nous humains qui devons enfin nous occuper généralement du général, plutôt que de subir au jour-le-jour les conséquences directes et indirectes du n’importe quoi criminel de nos actes non décidés.


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12 : 10 : 23

DESORMAIS, IL FAUT S'ADRESSER AUX HUMAINS !

DESORMAIS, IL FAUT S'ADRESSER AUX HUMAINS !

AU TEMPS OU DES EVENEMENTS LOCAUX RESONNENT AU SEIN DE LA GUERRE MONDIALE MEDIATIQUE
ET OU LES ENJEUX PLANETAIRES (COMME LE CLIMAT OU LES POLLUTIONS) CONDITIONNENT NOS EXISTENCES QUOTIDIENNES
NOUS, HUMAINS,
VIVONS LOCAL-GLOBAL
Voilà, je viens de compter pour la première fois. C’est pas moins de 107 livres que j’ai écrits ou dirigés. Une sacrée angoisse intérieure doit m’animer pour avoir ainsi le besoin de rendre public des mots… Ayant failli mourir, je me suis dit qu’il fallait probablement sortir de mon mélange d’orgueil et de modestie en mettant enfin un peu en avant ma personne et mes idées (j’appelle cela, non pas l’invisibilité ou l’INEXISTENCE –qui est un choix légitime, souvent subi d’ailleurs–, mais une visibilité modeste).

Dans Nous, humains, vivons local-global, j’ai ainsi cherché à résumer 50 ans de réflexions incitant à bouger notre façon d’habiter cette planète. D’accord ou pas d’accord, vous devez vous poser un certain nombre de questions de fond au temps des dystopies réalisées. Décider ici, c’est sortir de l’aveuglement et de la confusion globales.

Le livre volontairement pas cher (8 euros) est disponible sur la plateforme lulu.com. Il est achetable de façon durable par carte bancaire en version papier livrée à domicile ou en version numérique. C’est le moyen écologique que nous trouvons à Nuage Vert (nuage-vert.com) pour diffuser à l’exemplaire (n’est imprimé que ce qui est acheté) :
-version papier : 
-version numérique : 
Enjoy ! 
Et bougeons-nous en regardant nos vraies priorités !
Faites savoir…
Laurent Gervereau

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31 : 08 : 23

NOUS SOMMES IDIOTS !

Mister Local-Global crée ce signe en 2023, déclinable sur tous supports.

Il affirme que la vraie bêtise est celle des humains détruisant notre biosphère terrestre. Cela fait écho à l'exposition et au livre réalisés en partenariat de Nuage Vert avec la Maison John et Eugénie Bost en 2024 : Etes-vous idiots ?

C'est également une référence au livre de Laurent Gervereau Nous, humains, vivons local-global en 2023. Nuage Vert l'a édité. Voilà un résumé de réflexions disséminées dans plus de 100 livres et autres activités rendues publiques. 

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31 : 08 : 23

I INEXIST

Etre vivant sur Terre, c'est agir et réagir.

Mister Local-Global a sorti en 2023 ce signe, déclinable sur tous supports. II marque --à l'ère de l'ubiquité permanente où sa projection virtuelle est plus importante que ses agissements dans sa vision directe-- la volonté de ne pas apparaître, de n'être rien ni personne dans le tohu-bohu des réseaux asociaux, du news market et de la déformation médiatique : se déconnecter de la pollution publicitaire et propagandiste pour mieux affirmer ses choix évolutifs ici et là-bas.

Voilà un écho au livre INEXISTER. Mes vies de terriste (Laurent Gervereau en 2022, publié par Nuage Vert)

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17 : 04 : 23

Scène de la vie privée et publique des animaux

Muséothérapie

et IN (Intelligence Naturelle)

Notre univers terrestre est « croûteux », il fonctionne en strates dans l’espace (la planète et sa biosphère) et dans le temps (l’Histoire stratifiée du local au planétaire). C’est ce que les humains ne veulent pas comprendre quand ils s’obstinent sans réfléchir à tout ramener à leur espèce et à morceler la géographie dans des frontières résultat de leur histoire.

Faisons donc un peu de local-global. Partons d’un micro-sujet que je connais bien, car c’est une des passions désespérées de ma vie (les musées), pour extrapoler sur le cadre général de notre rapport au « réel » avec l’IN (Intelligence Naturelle). ChatGPT n’est qu’une des facettes des errements technocratiques et des sociétés du contrôle. La lutte contre l’IA (Intelligence Artificielle) --du moins contre une IAtisation généralisée des actions humaines--, suppose de s'exprimer avec ouverture, surprise, idées multiples, inconstances, analogies, fatigues... Voici donc un texte que ChatGPT n’aurait pas écrit.

Inventons une muséothérapie

Les musées sont un peu comme nos squares. Ils sont regardés comme mortifères par beaucoup, alors que ce sont de précieux conservatoires, tandis que les squares végètent souvent dans des plates-bandes loin du jardin planétaire mais forment pourtant des lieux de vie collective, des îlots urbains indispensables.

Au Canada, les médecins prescrivent du « temps en nature ». Il ne s’agit pas seulement comme les Japonais d’enlacer des arbres ou de se promener en forêt mais même d’aller dans des espaces publics végétaux des villes. Pourquoi ne prescririons-nous pas du « temps en musée », c’est-à-dire une muséothérapie destinée à avoir un petit bain de réel à travers des objets originaux ?

Du réel ? Loin des modes « immersives » où le musée devient un prétexte à spectacles et projections (ce qui est d’un autre ordre), la fonction de base du musée est la protection d’un patrimoine artistique ou historique ou scientifique. Il permet de proposer œuvres ou objets ou documents à la vue directe.

Ce retour vers le réel va en effet devenir indispensable pour avoir des repères et de l’émotion au temps du virtuel omniprésent. Car chaque pièce « parle » ou doit parler. En 1998, j’avais interrogé dans l’exposition sur l’histoire de l’immigration au musée d’Histoire contemporaine des personnalités d’origine étrangère sur un objet –souvent dérisoire— qui évoquait ces origines. Aucune valeur financière, une valeur affective immense comme la truelle du père de Cavanna.

Au temps de l’ubiquité où nous ne semblons exister que par nos doubles médiatiques et ne comprenons l’univers que grâce aux écrans, ce que j’ai appelé la « vision directe », celle de ce qui nous entoure, prend ainsi une valeur fondamentale. Ainsi, parallèlement au « temps de nature », prescrire une « muséothérapie » pour être en contact avec les pièces de notre Histoire, des créations humaines et des sciences, remet au centre la valeur inestimable d’un objet unique qui raconte. Des repères tangibles. C’est d’ailleurs le défi : que les musées racontent des histoires sur chaque élément de leurs collections par une médiation orale directe ou indirecte.

Les vertus de l’IN (l’Intelligence Naturelle)

Ce cas spécifique des musées nous mène vers des considérations plus générales du rapport actuel des humains avec leur environnement. Beaucoup perdent leur vision directe pour être ballotés dans des visions indirectes polluées de publicités et de propagandes dans une guerre mondiale médiatique. Je n’ai pas attendu les « fake news » pour étudier le visuel et Les Images qui mentent. Histoire du visuel au XXe siècle (livre au Seuil) est sorti en 2000, résumant 15 ans de travaux. Désormais, les portables se sont généralisés et ce que j’ai appelé « le temps du cumul » (toutes les images et textes et sons sur le même écran) est advenu.

Pourtant, des phénomènes de résistance existent. Dans la forêt laotienne, j’avais interrogé un chef yao qui venait d’installer une télévision dans son village. Et il m’avait répondu au sujet de ce nouvel objet « Je m’intéresse à ce que je vois », considérant comme fiction tout ce qui était sur écran. Dans nos sociétés, certaines et certains plus radicaux pratiquent la déconnexion.

Le rapport au réel --qui est « notre » réel-- est en fait un rapport de vision directe mais aussi de connaissances indirectes. En effet, nous vivons des choses ici avec le savoir de l’ailleurs et nous ne pouvons ignorer matériellement les pollutions, les changements climatiques ou les migrations planétaires. Voilà pourquoi, par-delà les visions ou croyances du monde, s’accorder sur les connaissances expérimentales des sciences doit être un langage commun. Voilà pourquoi aussi nous entrons dans une grande période où les humains doivent pratiquer ce que j’ai appelé le « tri rétro-futuro », ce qu’on veut conserver et là où on souhaite innover.

C’est bien une remise en question du « progrès », notion très contestable au temps de la relativité et de la nécessité de développer une philosophie de la relativité qui prend en compte le divers. Non pas qu’il faille bannir les escaliers mécaniques ou les médicaments pour le cœur ou le diabète, mais parce que tout « progrès » crée des accidents et nécessite des « régrès ». Ainsi l’IA (Intelligence Artificielle) pose des questions morales et pratiques indéniables. Elle peut avoir ses utilités mais va probablement aussi valoriser à rebours le retour vers la vision directe, imparfaite, artisanale, car l’IN (Intelligence Naturelle, celle des humains ou des animaux) avec ses failles et ses inconstances et ses écarts --personne n’est « normal » et « moyen »-- correspond à nos nécessités de symbiose avec notre environnement, qui lui aussi n’est pas « normal » mais évolutif.

Voici pourquoi il va falloir réévaluer et trier, considérer son rapport direct avec l’environnement, être singulier-pluriel, spécialiste-généraliste, se structurer pour vivre ici et penser les évolutions de notre grande aventure planétaire.

Pour ce faire, parfois il est meilleur de peser ses mots à l’ancienne, par écrit, que de vitupérer en montrant sa trombine.

(cet article a été publié en "une" de globalmagazine.info : https://www.globalmagazine.info/2023/04/19/intelligence-naturelle-1681855770)


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17 : 04 : 23

Erro et la maquette de la toile créée pour Nuage Vert en 2019

20 ans après…

Le Dictionnaire mondial des images est paru initialement en 2006. Son ambition pionnière a marqué en tentant d’embrasser toutes la production visuelle humaine avec des spécialistes de diverses disciplines internationaux. Publié sur papier, il s’est affirmé comme la volonté de donner des repères dans un univers en expansion planétaire. Le choix-même des entrées et des autrices et auteurs faisait sens et distinguait cette œuvre collective de toutes les données disséminées sur le Net.

C’est déjà un point à remarquer. Dans un temps où les inventaires et les compilations de textes et images sont à la portée d’un clic, le travail construit d’un recueil ordonné de savoirs et de réflexions n’a pas d’équivalent et conserve sa pertinence –ne fût-ce qu’historique. En l’occurrence, ce dictionnaire semble plus qu’un symptôme, il est la marque d’un tournant dans l’étude des images à plusieurs égards. Voilà qui justifie, s’il en était besoin, le fait de le rééditer dans sa version papier complète car un livre est aussi un objet, un objet unique pour chacune et chacun, un lieu de mémoire et de savoirs, un champ d’échanges personnels et collectifs.

Tentons, à l’occasion de cette réédition, de tirer un petit bilan sur ce qui a conduit à un tel ouvrage et sur ce qui a suivi la réalisation du Dictionnaire.

Restituer le Dictionnaire mondial des Images dans sa genèse

Ce qui a conduit à cette aventure intellectuelle de 2006 trouve des prémisses autour de 1990 et bénéficie d’un moment de bascule en 2000. L’aventure est à la fois personnelle et collective. Elle naît de ce qui s’est réalisé au Musée d’histoire contemporaine à Paris aux Invalides et notamment la création d’un Groupe d’Etudes sur l’Image Fixe (GEIF) en 1992, qui popularisera le terme « image fixe » et deviendra l’Institut des Images en intégrant aussi les images mobiles. Trois colloques marqueront des activités internationales (Où va l’histoire de l’art contemporain ? en 1995 ; Peut-on apprendre à voir ? en 1998 ; Quelle est la place des images en histoire ? en 2006) avec une revue bilingue : L’Image.

L’originalité de la démarche fut de comprendre qu’il fallait traiter concomitamment tous les types d’images, de toutes époques et de toutes les civilisations par le croisement de recherches interdisciplinaires. La convergence généralisée provoquée par Internet était ainsi pressentie. L’autre caractéristique fut d’imposer des recherches historiques sur les images et leur contextualisation dans un temps où souvent la sémiologie s’en dispensait. Ce souci constant s’avère désormais primordial au temps de la circulation planétaire exponentielle de tout et n’importe quoi sans aucune mention d’origine. A l’époque, j’ai synthétisé les choses dans un livre de méthode devenu un classique souvent réédité et augmenté : Voir, comprendre, analyser les images (publié par les éditions La Découverte initialement en 1994). Son application à un cas particulier (le Guernica de Picasso) est paru en 1996 aux éditions Paris-Méditerranée.

De façon parallèle, la création en 1991 de l’Association internationale des musées d’histoire générait des réflexions nouvelles sur ce type de musées aux collections très diverses (artistiques, archéologiques, photographiques, ethnographiques, cinématographiques ou avec de grandes bibliothèques…). Ils étaient incités à inviter chercheuses et chercheurs et ceux-ci étaient stimulés pour s’intéresser à des collections très riches souvent en déshérence intellectuelle.

L’année 2000 fut ensuite un tournant. D’une part, parce qu’Internet et le numérique amorçaient leur conquête planétaire introduisant vite avec les portables une ubiquité permanente où la vision indirecte prime sur la vision directe. D’autre part, car en 2000 est paru au Seuil Les Images qui mentent. Histoire du visuel au XXe siècle, ouvrage qui était à la fois une réflexion sur le « mensonge » des images et une histoire générale du visuel du XIXe siècle à aujourd’hui. Il a été réédité en poche ensuite (collection Points Seuil) en version augmentée sous le titre Histoire du visuel au XXe siècle, définissant quatre temps dans l’ère de la multiplication industrielle des images : l’ère du papier qui commence au milieu du XIXe siècle ; l’ère de la projection (le cinéma) qui connaît une accélération américaine et planétaire dans les années 1920 à l’issue de la Première Guerre mondiale ; l’ère de l’écran (la télévision) qui commence aux Etats-Unis dans les années 1950 avant de toucher tous les continents ; le temps du cumul dans un monde multipolaire avec Internet et le numérique à partir de 2000.

L’année 2000 fut aussi un moment de réflexion avec ce livre sur le mensonge des images et a conduit spécifiquement à l’exposition et au livre Un siècle de manipulations par l’image (succès immédiat puisqu’épuisé dès le début de l’exposition). Dans la continuité de l’autre ouvrage, il s’agissait d’une réflexion autour de deux axes : manipuler les images et manipuler le public. Certes, il y avait eu des réalisations notoires pour ce qui concerne la photographie : d’abord le livre de Gérard Le Marec Les Photos truquées. Un siècle de propagande par l’image en 1985 ; puis celui à grand succès d’Alain Jaubert en 1986 Le Commissariat aux archives. Les photos qui falsifient l’histoire, autour notamment de la suppression des personnages en URSS en fonction des aléas de l’Histoire ; enfin en 1998 une exposition, moins connue en France, de la Haus der Geschichte à Bonn Bilder, die lügen était aussi très axée sur la photographie et élargissait le propos de Jaubert au trucage des images.

Un siècle de manipulations par l’image s’en distinguait par une vision plus générale où tous les types d’images étaient pris en compte et intégrait notamment la manière dont les musées ou les médias pouvaient instrumentaliser les images fixes ou mobiles. L’exposition et le livre Les Images mentent ? Manipuler les images ou manipuler le public avec la Ligue de l’Enseignement (decryptimages.net) poursuivent depuis 2011 ce travail.

Deux axes sont ainsi apparus en 2000 fortement : d’une part, la nécessité de définir une histoire générale de la production visuelle humaine ; d’autre part, le fait que le monde multimédiatique, obnubilé par la vision à distance, pose des questions nouvelles et graves concernant la manipulation des opinions publiques. Non pas que la propagande et la publicité n’aient pas des racines plus anciennes (avec la Première Guerre mondiale pour sa version moderne chez l’une et avec la diffusion planétaire des produits à la fin du XIXe siècle pour l’autre). Mais les nouveaux vecteurs et les nouveaux comportements changent totalement la donne.

Voilà les soubassements du Dictionnaire mondial des images. Voilà son actualité aussi, car les phénomènes décrits se sont amplifiés rendant un tel travail d’autant plus indispensable. Au temps des « fake news », quels remèdes ? Quelles analyses ? Quels outils ?

Besoin de repères : l’histoire du visuel s’impose

L’après Dictionnaire mit en valeur la nécessité absolue de repères. Dans ces temps de multiplication des sources et des savoirs sur la toile, il devenait plus que jamais urgent d’offrir des repères et d’ordonnancer les choses. D’une certaine manière l’iconophagie comme l’iconophobie résultant des hyper-connexions ou des déconnexions radicales aboutissent au même résultat : une non-maîtrise de l’offre et des cultures confettis, des savoirs très parcellaires, hyper spécialisés avec des gouffres lacunaires. La perte des repères est probablement la résultante la plus grave de ce double projeté, de cet univers de la vision indirecte, de cet ensemble en expansion des expressions indifférenciées ou de leur refus.

Pour donner des repères, il faut partir de l’état du territoire : sur quoi donner des repères ? En l’occurrence, la confusion planétaire des supports (entre une peinture à l’huile, sa copie, son poster ou sa projection numérique), des origines géographiques et temporelles (un homme de Néandertal a la même actualité qu’un président des USA), induit que ce sont tous les supports, toutes les images qui doivent être prises en compte et prises en compte en situation, c’est-à-dire dans leurs liens sémantiques (textes, sons, images fixes et mobiles, arborescences…).

Les connaissances spécialisées gardent bien sûr leur utilité. C’est pourquoi dans ce qui devrait être une boussole éducative planétaire du local au global, chaque strate importe et chaque partie de strate importe. Mais une vision d’ensemble reste indispensable pour pouvoir s’orienter.

C’est bien ce qui m’a occupé quand, deux ans après le Dictionnaire (en 2008), j’ai compris que tous ces savoirs rassemblés devaient trouver des liens, d’autant plus quand chacune et chacun reçoit en pleine figure tout et n’importe quoi. On ne pouvait plus se contenter de faire des histoires de la photographie, de la peinture, de l’architecture ou du cinéma et de la mode vestimentaire. Non, il devient nécessaire de corréler, de lier, de comprendre les grandes tendances.

Voilà pourquoi est paru en 2008 Images, une histoire mondiale en liant deux éditeurs, dont un éditeur pédagogique. Ce livre reprenait les avancées collectives du Dictionnaire en donnant des jalons chronologiques concernant les supports, les origines géographiques et les évolutions temporelles. Il avait l’ambition d’être à la fois une synthèse planétaire et de donner des ouvertures simples et pratiques utilisables pour des enseignements. Depuis d’ailleurs, j’ai fait un résumé encore plus condensé en 10 étapes pour le site decryptimages.net avec la Ligue de l’Enseignement.

Il est étonnant que ces travaux ne soient pas davantage diffusés quand la circulation planétaire des images a gagné l’ensemble de la planète et forge forcément des compréhensions du monde. Plus que jamais l’éducation à tout âge est indispensable mais plus que jamais l’état des contenus éducatifs se révèle inadapté aux nécessités du temps. Apprenons-nous l’état environnemental de là où nous habitons et celui des grandes évolutions planétaires (notre statut local-global) ? Avons-nous des repères globaux sur l’histoire de la production visuelle humaine et des précisions sur ce qui occupe notre vision directe ? Ces enjeux cruciaux n’ont aucunement la place qui devrait être la leur.

Or, dans ce monde connecté (avant peut-être des guerres concurrentielles d’espaces déconnectés et autarciques), les connaissances locales et globales forment le seul terrain de dialogue possible quand les croyances religieuses ou laïques fracturent les sociétés. Si une base rationnelle et des recherches scientifiques (des démarches expérimentales et critiques) ne sont pas acceptées comme socle de dialogue planétaire, nous tombons dans l’affrontement des subjectivités, source de rivalités potentiellement sanglantes. La Résistance des savoirs est bien là : constituer un socle de dialogue planétaire local et global. Pour cela, comprendre l’histoire générale du visuel est une des bases indispensables, comme d’ailleurs le fait de pouvoir les analyser.

Abordons alors le dernier point concernant l’actualité toujours présente du Dictionnaire : comment aider à analyser les images au temps des fake news et de la guerre mondiale médiatique ?

Fake news et guerre mondiale médiatique

Analyser les images est une démarche spontanée, presque réflexe. Chacune et chacun reçoit des visions directes ou indirectes et les interprète spontanément. Souvent d’ailleurs, les émetteurs provoquent et anticipent ces interprétations (les publicités bourrées de sous-entendus et de métaphores). Mais, en l’absence de vraie culture visuelle (connaissance de l’histoire mondiale du visuel), la propension à avoir des interprétations-réflexes et à subir des influences (commerciales ou politiques souvent) reste le cas le plus commun.

Nous entrons ainsi dans une période que j’ai qualifiée de Guerre mondiale médiatique où il est plus efficace de gagner des guerres d’opinions que des guerres matérielles de territoires. L’ignorance généralisée du monde des images n’est pas le seul facteur de perméabilité et de crédulité. Malheureusement l’éducation ne peut pas tout résoudre, même si elle aide à se constituer des barrières cognitives et des réflexes de défiance. Regarder ce qu’on regarde, décrire, contextualiser et seulement ensuite tenter d’analyser forment les étapes d’une grille d’analyse. Cependant chacune et chacun n’a ni le temps ni les capacités d’opérer un tel travail. Et puis nous agissons et ne pouvons passer d’analyse en analyse.

Voilà pourquoi notre époque devient celle du tri cognitif. Nous pouvons tenter de recueillir des éléments d’appréciation sur notre vision directe (ce qu’il y a autour de nous où que nous soyons). Pour la majorité de ce qui influe pour l’instant sur notre vécu (ces visions indirectes), la tâche est plus ardue car comment serions-nous des spécialistes du climat, du droit constitutionnel, de l’économie du don et de l’échange ou des virus et de leur histoire ? Se situer relève ainsi plus que de multi-apprentissages. Les « vérités alternatives » qui ont tant fait jaser autour d’un Donald Trump insufflant sa vision du monde sont un phénomène très ancien et très puissant : face à une croyance, la démonstration scientifique n’a pas sa place. Et la démonstration scientifique nous apprend que toutes les « vérités » sont issues de confrontations de points de vue, de vérifications et d’interrogations.

C’est bien toute la difficulté d’un monde de l’information où nous sommes passés de la société du spectacle (expression de Guy Debord au temps de la télévision) à des sociétés des spectateurs-acteurs. Il n’y a plus un seul émetteur en direct mais des multi-émissions. Le paradoxe est que ces multi-émissions de milliards de personnes ne créent pas une démocratie directe car en fait les médias minoritaires restent très puissants en répétant peu de nouvelles, souvent semblables et vite obsolètes dans un marketing de l’information où sexe et violence ont un rôle puissant. Peu de personnes parlent pour beaucoup de monde. Et peu de personnes répètent des infos spectaculaires vite absorbées par d’autres.

Aucune stratification des émetteurs n’est en place, c’est-à-dire des plateformes géographiques ou thématiques qui permettraient de trier et de faire émerger des avis ou des créations divers. L’immense majorité reste dans l’invisibilité qui devient souvent pour elles ou eux une inexistence. Leur moi projeté n’étant pas construit et valorisé, ils et elles inexistent.

Est-ce un défaut ou une protection ? Un défaut probablement pour la diffusion de ce qu’ils voudraient propager. Une protection car la caricature de soi-même en uniforme pour exister facilement à travers un rôle est un piège dangereux, sans compter toutes les horreurs des désinformations, délations, prévarications diverses. Son intimité violée comme ses idées pillées par de petites frappes intellectuelles profitant des ignorances accumulées (désormais exhibées, agressives et triomphantes), les rumeurs qui tuent alors que souvent elles n’ont pas le plus petit fondement factuel, la destruction à distance par des influences culturelles orientées, voilà autant de dangers auxquels tout un chacun s’expose même en disparaissant physiquement.

Les identités imbriquées échappent en réalité aux aspirations monomaniaques. La plus belle définition de soi reste probablement de ne pas en susciter. Mais échappons-nous aux stéréotypes ? Chaque époque a les siens et, à défaut de vouloir être classé, on est classifié par des formules d’exclusion ou d’inclusion obligées. Ainsi de nos jours les formules estampillées comme  « flicage » ou « complotisme » évitent de débattre et de réfléchir d’un côté aux dérives fictionnelles des rumeurs et de l’autre aux conséquences d’un discours unidirectionnel répété inlassablement.

La connaissance évolutive de choix planétaire comme le jugement individuel deviennent ainsi des piliers de la recherche d’une information corroborée aux faits. Ce qui n’est pas le but recherché dans beaucoup d’endroits et pour beaucoup de groupes : leur vérité est placardée en théorème à révérer sans contestation possible. La recherche d’une démocratisation de l’information est ainsi difficile quand nous ne cessons de subir des emballements médiatiques et des appréciations individuelles abruptes et mal informées. De plus, l’avancée de sociétés du contrôle fait de chaque individu une somme de données monnayables avec valeur commerciale ou de surveillance.

Certes, dans ce contexte, tout ce qui est développé et analysé dans le Dictionnaire est une bonne façon de tenter de comprendre beaucoup de réalités passées et présentes. Mais il faut aller au-delà pour appréhender nos réalités multimédiatiques et leurs guerres d’influence. Se montrer ou ne pas se montrer ? Faire média soi-même ou se cacher dans une invisibilité ? Nous sommes toujours interprétés, ici et partout.

L’invisibilité n’est qu’apparente quand la disparition fait sens. C’est probablement la question de la diversité et de sa défense qui importe, diversité des opinions, comme des productions ou des environnements. Alors, physiquement en certains points du globe et sur la toile, des lieux d’échanges de diversités (crossdiv) seront probablement l’un des enjeux d’une planète à la fois morcelée et qui ne peut échapper à des conditions de vie (pollutions, climat…) obligeant à une construction collective --ou à subir collectivement.

C’est pourquoi la lutte pour l’indépendance d’esprit, le sens critique, la diversité biologique comme culturelle, les démarches scientifiques sans cesse interrogées, restent les caractéristiques d’un mouvement que l’on peut appeler terriste (défense d’une planète unique et étonnante). Penser l’utilité et le devenir d’un Dictionnaire mondial des images, c’est probablement penser aussi aux conditions dans lesquelles une telle œuvre deviendrait inutile car banalisée. Nous sommes au cœur de nos enjeux contemporains les plus puissants et angoissants.

Laurent Gervereau

Ce texte a été écrit en 2021 pour servir de postface à la réédition du Dictionnaire mondial des images, qui n’aura pas lieu à cause d’une hausse du prix du papier perfide… Mais les idées ne doivent pas dépendre de l’argent, donc le voici gratuitement.

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03 : 01 : 23

ADRESSE AUX HUMAINS

Bonjour. VOICI UN TEXTE LONG QUAND PERSONNE NE LIT PLUS au temps des aboiements divers et des éructations en direct, des émois successifs pour pics médiatiques éphémères, déformations du réel devenant le réel... A l'heure du METAVERS, défendons donc le METAREAL et l'IN (l'Intelligence Naturelle), la vision directe de ces humains relatifs et imparfaits ! C'est çà la vie ensemble à laquelle nous participons.

Et profitons de ce moment de début d'année (suivant cette séparation du temps choisie par certains humains) pour échafauder. Après un 2022 difficile pour ma santé, je suis un cas émergent.

La période est assez infecte où les populations mondiales sont ballottées d'enfermements à des consommations addictives à des peurs de fin du monde, pistées en permanence dans des sociétés du contrôle, tandis que le climat change et que les humains proliférants polluent terre, eau, air. Des imbécilités nationalistes provoquent des guerres autodestructrices tandis que la biodiversité est mise à mal et que chacune et chacun devient esclave de son écran, fondu-e dans l'image qu'il ou elle projette, un double devenu son identité.

Ça craint et le bordel mental accompagne l'écroulement des repères et le mépris des connaissances : un populisme cancéreux fait croire que les savoirs sont sans valeur et leurs défenseurs des chieurs prétentieux.

Depuis les années 1970, j'ai développé une vision de notre présence sur la Terre, planète unique, qui est une philosophie de la relativité. J'ai écrit tout cela dans le grand roman "Humain planétaire". Prenant date plus tard, j'ai tiré un bilan en 2000 de mes recherches depuis les années 1980 sur les images avec un livre d'histoire du visuel et "Un siècle de manipulations par l'image". J'avais raison.

Concernant l'écologie, aucun vivant ne peut se penser pionnier, ayant eu raison avant les autres car dès l'animisme ou les grandes pensées du XVIIIe et du XIXe siècles des réflexions sur le rapport humains-environnement se sont développées avec profondeur et finesse. Pour ma part, c'est le basculement de l'écologie scientifique à l'écologie politique au début des années 1970 qui m'a marqué avec des personnages comme Fournier, Cabu, René Dumont. Nul étonnement donc à ce que je sois vice-président de la Fondation René Dumont et ai tant apprécié Charlotte Paquet-Dumont avec qui j'ai sauvé ses archives.

En 2004-2005 j'ai créé à AgroParisTech le Musée du Vivant, premier musée international sur l'écologie. Y ont été rassemblé des collections précieuses qui donnent une vision longue de l'histoire de l'écologie, au sens du rapport des humains avec leur environnement. L'ignorance en la matière est abyssale, la pédagogie à tout âge indispensable. Pour ma part, outre une histoire de l'écologie en images, j'ai beaucoup publié sur l'écologie culturelle et suis allé sur tous les continents.

Désormais, depuis 2019 où j'ai formalisé les choses avec logo et carte et un livre en 2021 ("Pour une conscience terriste" avec Marc Dufumier précédé d'une ébauche à Nuage Vert), j'affirme avec constance la nécessité de ne pas seulement se sentir Terrien ou Terrienne mais TERRIST, c'est-à-dire défendre notre planète unique. QUOI DE PLUS EVIDENT ? Cela doit se faire dans une vision qui va de soi au global, une pensée "stratifiée". C'est clair, quand nous vivons aujourd'hui des choses absurdes, dangereuses, autodestructrices.

Utilisez le logo TERRIST, revendiquez-vous de ce souci commun environnemental, déclinez en conséquences quotidiennes variées. Il n'y a pas de parti, pas de gourou, juste des vies expérimentales qui se retrouvent, des connivences à la base.

J'ai pris date depuis 50 ans. J'ai beaucoup écrit, créé des images, disséminé des signaux. MANGEZ-MOI ! PRENEZ-Y GOUT !

Et, pour les personnes qui veulent mieux me connaître, je viens de rédiger des mémoires philosophiques. Laurent Gervereau / Mister Local-Global vient en effet --au temps du jetable et de l'obsolescence programmée-- de tenter d'écrire un vrai livre durable : INEXISTER. MES VIES DE TERRISTE, achetable par carte bancaire sur lulu.com en version papier ou électronique

et n'oubliez pas de soutenir Nuage Vert (nuage-vert.com), qui fait le pari d'organiser des événements exigeants dans la ruralité : partout nous avons besoin de repères. ADHEREZ !

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12 : 06 : 22

La post-vie

La post-vie

J’aimerais décider d’entrer dans la post-vie. Chateaubriand écrivait des mémoires d’outre-tombe car il souhaitait qu’elles ne soient publiées qu’après sa mort. Ma démarche est toute autre.

Quand le corps se délite et qu’on se demande ce que va faire l’esprit, quand on a le sentiment d’avoir abondamment légué, il faut trouver probablement un temps de liberté ultime. Le temps où on n’a rien à prouver et tout à éprouver.

J’ai beaucoup fait dans beaucoup de domaines (artistique, philosophique et politique, historique, littéraire, cinématographique, musical…). Souvent sans écho, mais l’œuvre est là : il y a matière transmise aux autres.

Je n’ai plus guère envie ni de me définir, ni de me justifier. Le tribunal toujours renouvelé de l’Histoire émettra ses jugements successifs. Voilà pourquoi je voudrais arriver à un temps de post-vie. Ce n’est pas la retraite, car la mort seule ou la maladie grave arrêteront mon appétit de découvrir et d’inventer. Ce n’est pas non plus la recherche de la « sagesse », qui m’emmerde. Je ne suis sage en rien et souvent révolté en tout. Le lénifiant abandon d’un ralenti de la vie contemplative peut légitimement être un baume heureux pour certaines et certains, en ce qui me concerne il m’irrite autant que les massages.

Je ne suis pas serein et ne le serai probablement jamais. Je ne suis pas « heureux », cet espèce d’état létal ridicule et aussi inhumain que le paradis. J’ai des plaisirs et des souffrances, des allégresses et des désespoirs, des fulgurances et des abrutissements. Je suis vivant.

L’état de post-vie auquel j’aspire est probablement ce temps du « hors-circuit » où on peut s’amuser. Un vieux dégagé. J’ai échappé à tous les grands postes officiels qui m’ont été refusés et ai créé mes structures pour agir avec succès (ma façon de lutter contre la médiocrité). Je suis hors médailles et honneur quelconque. Les médias traditionnels ont cessé de tenter de faire de moi le spécialiste de la spécialité, potiche pour émissions à tourner en rond dans la non-pensée.

Alors… J’ai, j’espère, gagné la « post-vie » où tu arrives à tenir le coup avec ta maison et ta retraite, où tu choisis ce que tu veux faire. Où tu t’amuses et surtout –c’est crucial dans mon cas—tu cesses d’être « gentil » et de t’emmerder à faire des choses pour rendre service et aider des personnes qui s’en foutent.

Le but n’est pas de devenir acariâtre et de tomber dans l’acrimonie systématique, abrutissement bilieux de fin de vie. Il n’est pas non plus de céder à la nostalgie, cette puanteur des égarés avec un torticolis rétro où hier est tellement mieux qu’aujourd’hui juste parce qu’on était plus jeune et qu’on a gommé toutes les souffrances passées. Non, il faut rester lucide et en éveil. Mais cesser de faire l’Atlas. Le complexe d’Atlas est fatiguant.

A chacune et à chacun d’utiliser ou non les analyses et les concepts que j’ai forgés. A moi de tenter d’apprendre la légèreté et l’amusement, l’absence et l’évitement quand cela m’emmerde. J’ai toujours cherché à être libre dans mes actions et mes pensées, indépendant –et je l’ai souvent payé cher. Maintenant, il serait temps que je progresse vers la « post-vie », un temps de jouissance de l’instant et de fantaisie en sachant me déresponsabiliser, me désatlasiser. J’ai publié en 2012 « Le Local-global. Changer soi pour changer la planète ». Et je n’en renie rien. Comme je n’ai pas varié, depuis l’adolescence des années 1970, dans mes idées libertaires et écologistes. Non seulement, je ne les renie pas (contrairement à tant de girouettes idéologiques, opportunistes sans vergogne), mais je les ai développées et affinées avec une pensée terriste.

Alors il est temps, l’impulsion terriste étant donnée, que d’autres s’approprient et portent aussi la charge de l’œuvre planétaire à venir.

Il est temps pour moi d’essayer de respirer.

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26 : 05 : 22

L'EMBALLEMENT MEDIATIQUE PERMANENT

L'EMBALLEMENT MEDIATIQUE PERMANENT

Toutes ces images que nous recevons sur écran sont extraordinairement pauvres. Certes, des milliards de personnes en émettent mais les médias minoritaires de masse, traditionnels ou de réseaux sociaux, sont à la fois semblables dans leur forme et très réduits dans leur propos : ils parlent tous de la même chose. Plus il y en a, moins il y en a. Et de surcroît désormais nous subissons des campagnes jour et nuit pendant des semaines ou des mois sur les mêmes sujets : gilets jaunes, covid, Ukraine ou des "affaires" (genre Benalla en France)...

 

Mais qui choisit ? Pourquoi décider que ces thèmes doivent occuper toute la surface ? Cela désespère beaucoup (quoi qu'on fasse, le TLMSF -Tout Le Monde S'en Fout-- est la règle) et provoque deux réactions : soit le décrochage médiatique contre la déformation médiatique, soit la création de médias autonomes de groupes transformant le paysage en autant de visions séparées.

La défense de la pluralité (un label PLURI) devrait devenir une priorité pour diversifier l'information et permettre de vrais débats. La création de ce label devrait donc être aussi précisément une information qui circule...

Tout cela pour vous dire que --infos locales légitimes-- à Argentat-sur-Dordogne vous pourrez voir à Nuage Vert l'expo LA MORT DE LA TELEVISION avec les magnifiques dessins de Dobritz et un livre qui analyse nos transformations médiatiques (achetable en version papier ou électronique par carte bancaire sur lulu.com).

Des moments pour échanger ! Et nous en avons bien besoin pour sortir du matraquage incessant du semblable !

 

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06 : 05 : 22

SIFFLER DANS LE VENT !

SIFFLER DANS LE VENT !

J'appelle "siffler dans le vent" tous ces textes inutiles qui existent sans exister, ne sont pas lus et n'ont aucune efficacité parce que pas fruit d'une construction médiatique.

Voici le dernier :

UN KIDNAPPING ELECTORAL

Nous pourrions ergoter sur la façon dont les vaincus cherchent à voler les victoires aux vainqueurs dans la guerre mondiale médiatique, que ce soit en période de guerre ou en période électorale. Mais il est plus intéressant d’observer comment nous pouvons collectivement passer à côté des enjeux de notre temps. Ainsi en est-il de la situation politique française et de la dernière campagne électorale. Car l’abstention ou le désintérêt ou le dégoût ou certains votes par défaut sont aussi la manifestation du fait que personne n’a su intéresser dans une non-campagne (électorale française en 2022).


ETRE A COTE ET NE JAMAIS POSER LES BONNES QUESTIONS

Ce qui est frappant reste le kidnapping généralisé des thèmes profonds de l’écologie au sens large et des enjeux actuels. Cela va au-delà des alertes climatiques.

Reprenons rapidement quelques termes ayant agité les meetings et les réseaux. Le « grand remplacement » d’abord n’a pas de sens car qui remplace qui ? Une civilisation chrétienne par une civilisation musulmane ? L’Histoire longue nous apprend que nous sommes toutes et tous africaines et africains ayant migré sur tous les continents. Les échanges sont constitutifs de notre existence et le christianisme est une construction historique délimitée et non exclusive (croit-on que dans ce qui a été nommé « Moyen Age » l’animisme avait disparu ?). La religion n’est qu’un paramètre désormais des identités imbriquées de la plupart des individus.

Par ailleurs, il suffira de catastrophes naturelles ou de guerres ou de famines pour que des migrations s’opèrent contre lesquelles nous ne pourrons rien (hormis des exterminations). Quand les pollutions ou les crises climatiques opèrent, les frontières n’ont plus de sens.

Le « pouvoir d’achat » ? Privilégier la fin du mois à la fin du monde. D’abord il n’y a pas pour l’instant de fin du monde ni de fin de la Terre ni de fin de la biomasse terrestre dont les humains sont une petite partie (0,01% quand le végétal occupe 80%...). Pourtant nos équilibres sont rompus comme jamais à cause des actions humaines entre pollutions (de la terre, de l’air, de l’eau) et dérèglements climatiques. Alors, la question n’est pas de savoir si chacune et chacun va pouvoir continuer à consommer toujours plus mais comment chacune et chacun va manger à sa faim des produits non empoisonnés et pourra se déplacer avec des moyens de transports propres sans être étranglés par les factures énergétiques et en développant toutes les solutions d’économies et de renouvelable au plus près, dans les domiciles.

Les « retraites » ? L’âge est une question qui cache des disparités profondes et l’essence même de notre rapport au travail. Dans les entreprises comme dans les administrations, il n’y a pas de priorité portée aux questions du « sens » : que fait-on et pourquoi ? Peut-on s’organiser autrement ? Quels buts ? La remise en question d’un rapport travail-loisirs avec le Bien d’un côté et le Mal de l’autre est indispensable, de même la recherche de buts éthiques dans la production comme dans les services publics et dans l’organisation interne. La pénibilité est physique et psychologique.

Voilà quelques exemples où nous sommes passés à côté de débats qui auraient été indispensables et qui nous concernent toutes et tous.


PRENDRE DES LUNETTES ENVIRONNEMENTALES

Mais on a parlé d’écologie me rétorquera-t-on. Jamais, alors que les enjeux sont majeurs, cette thématique n’a parue si technicienne, si artificielle, si répétée comme un slogan, un mantra sans chair et sans passion, très éloignée des préoccupations quotidiennes. C’est probablement parce que beaucoup habillent leurs programmes d’écologie à la va-vite sans conviction profonde dans une vision technocratique et pas philosophique, sensible, au quotidien, dans la passion de faire.

Même le candidat écologiste a réussi à tuer l’écologie. Au lieu de réunir des personnes ressources (scientifiques et des actrices et acteur de terrain), de constituer un « shadow cabinet » pouvant montrer dans tous les domaines la façon environnementaliste de considérer la vie terrestre ici et partout, il a arpenté seul le territoire en répétant des slogans devant de maigres troupes déjà convaincues et pas en prenant à bras-le-corps de vrais objectifs comme la réconciliation villes-campagnes, les limites aux sociétés du contrôle, quoi faire pour rendre à l'argent son rôle d'outil et ouvrir la pensée de la qualité de vie...

Essayons alors de chausser des lunettes environnementales, au moins sur des questions de principe : avec un cadre de pensée pour définir des buts cohérents. Bis repetita placent, diront les quelques-unes et quelques-uns qui me suivent...

D’abord, nous nous sommes focalisés sur le national qui est juste une strate dans nos échelles allant du local au terrestre. Oui, il est temps de penser à revenir au local, à ce qui est directement visible autour de nous, sur lequel nous pouvons agir, mais avec une conscience régionale-nationale-continentale-terrestre. A chaque niveau, ses décisions adaptées. Pensons autrement la planète et nos vies. Visons une structuration stratifiée d'un ensemble unique-divers, avec des enjeux communs et une grande variété de solutions.

Soyons « terristes », c’est-à-dire défendons cette Terre unique dans sa biodiversité et sa culturodiversité, ici comme ailleurs.

L’autre aspect de cette vision environnementale est la philosophie de la relativité. Nous voulons partout croire dans un ping-pong idéologique pratique et faux avec des frontières absolues entre le Bien et le Mal, avec des mirages inexistants et dangereux appelés « Progrès » ou « Bonheur ». Cela n’a pas de sens comme d’ailleurs cela ne veut rien dire en observant la faune et la flore. Nous vivons des interactions, nous sommes interdépendants.

Alors, il faut constituer un Pacte commun évolutif, corriger sans cesse dans l’évolution les dangers et les menaces. Les humains sont expérimentaux. Toutes et tous attachés à des traditions et des réalisations et des paysages et voulant bouger. Partout, il est temps de faire des choix rétro-futuros : ce qu’on veut garder et préserver et là où on veut innover.

Tout cela a des conséquences tangibles et pratiques. Cela veut dire qu’il peut y avoir des solutions diverses suivant là où on habite ou là où on veut habiter (sur la longue durée ou temporairement). Et c’est bien cet apprentissage de la diversité qui doit être un des buts communs terrestres pour les humains.

Il concerne directement l’éducation du local au global et les médias. Tout le monde ne le souhaitent pas et beaucoup sont figés, arrêtés, monosémiques, voir intolérants ou hégémoniques. Il est temps de mettre en valeur la démarche scientifique expérimentale comme base de dialogue universel et pour l’éducation créer un label EDUCRITIC comme pour les médias avec un label PLURI. Tout cela a déjà été développé.

La question est désormais : comment diffuser ces analyses tout en refusant le clinquant de l’apparence, le poison du scandale ? Les idées ne valent rien si elles ne sont pas portées physiquement et résumées à des « punch line » de nos jours. L’efficience passe-t-elle uniquement par des organisations ou des vecteurs de masse ?

Le changement est urgent quand, entre guerre et vieilleries idéologiques, les mêmes concepts inopérants produisent les mêmes catastrophes. Ce n’est pas utopique. C’est concret. C’est adapté à ce qui nous arrive ici et partout.


Laurent Gervereau
(dernier ouvrage paru : Pour une conscience terriste avec Marc Dufumier chez Utopia)


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