14 : 10 : 10

Une présidentielle pour rien ?

(la photo est un clin d'oeil affectueux --à rebours de nos temps occupés de célébrités de pacotille-- pour Charlotte Paquet-Dumont, veuve de René Dumont, si intelligente et délicieuse personne, venue visiter avec sa soeur Pauline ma cabane à Montmartre)

Une des craintes qui émerge le plus souvent dans cette France en pré-campagne électorale est la peur que l’élection à venir finisse en non-choix. D’un côté en effet, la stratégie apparaît comme un remake gesticulatoire : un coup de barre à droite sécuritaire (avant un coup de barre à gauche jaurésien ?). De l’autre, une sempiternelle affirmation gestionnaire assortie d’un culte étatiste. N’y a-t-il pas là un marché de dupes où nos compatriotes sont considérés comme trop sots pour regarder le monde en face et savoir anticiper les changements ?

Face à cela, l’intérêt de l’écologie réside dans son origine : une discipline scientifique, c’est-à-dire sans dogme, expérimentale. Ainsi, sur ce terrain, nous constatons un phénomène qui dépasse tous les clivages droite-gauche et tous les écologismes sectaires boboïsants. Il s’agit des enjeux de pollutions planétaires. Plus personne n’est à l’abri désormais des pollutions des terres, de l’eau, de l’air. Quand bien même il n’y aurait aucune conséquence sur le climat (débat à la mode), le moindre voyage en montre les effets dévastateurs et fulgurants. Or, qui est touché ? Evidemment, les populations les plus pauvres, soit agglutinées, soit encore dans des modes de vie anciens qui se voient déstructurés par pollution physique et culturelle.

L’écologie intervient ainsi sur des questions éminemment sociales : un socio-enviro ou un socioecolo. Même la surconsommation ou la malbouffe, la perte des repères, touchent d’abord les plus modestes. Voilà pourquoi un des grands enjeux à venir réside dans un nouveau dialogue à instaurer entre le local et le global. Pas d’intervention sur les périls collectifs sans accords planétaires concernant des enjeux minimaux. Pas de changements planétaires sans prises de consciences locales de consommateurs qui doivent devenir des consommateurs-acteurs. Non plus des spectateurs (à l’ère télévisuelle) mais des spectateurs-acteurs au temps d’Internet : le passage d’une société du spectacle aux sociétés des spectateurs-acteurs.

Voilà ce qui devrait être un des premiers enjeux forts de l’élection à venir : affirmer la nécessité d’une reprise en mains de l’existence de chacune et chacun par des engagements locaux. A l’ère de l’ubiquité entre ici et partout, nous avons un pouvoir considérable sur le « visible », sur ce qui nous entoure, sur ce qui est à portée de vue. Micro-marchés, économies de niches, éducation, valorisations culturelles, structuration d’entreprises éthiques, solidarité entre générations, administrations efficaces et évolutives, combien d’enjeux fondamentaux peuvent trouver des solutions simples et immédiates ?

A la structure nationale, à cette fédération d’initiatives à l’ère de nos identités imbriquées, de porter les consensus de notre vivre-en-commun vers des mouvements planétaires permettant préservations de la Terre et diversification des diversités, c’est-à-dire conscience d’un devenir commun et ouverture des choix de vie individuels.

Il ne sert à rien d’annoncer l’Apocalypse tous les quatre matins. Il est malhonnête parallèlement de faire croire que notre société fonctionne de la moins mauvaise manière possible. Une génération, qui s’est trompée sur tout –le gauchisme liberticide puis le capitalisme cynique—tente depuis 20 ans de priver les générations suivantes de toute perspective. Il est temps de restituer l’imagination et de proclamer les vertus de l’évolution. Si le « progrès » est battu en brèche comme état béat parfait résolvant tout (sociétés inhumaines d’arrêt de l’histoire), le mouvement reste une valeur comme la volonté de ne pas accepter l’inacceptable et donc de perpétuellement chercher des solutions pour changer.

Halte aux kidnappeurs du futur ! Restituons la faculté de bâtir notre vie hors des résignations et des dépressions --par fatalisme dynamique. A cet égard, soulignons à nouveau les vertus primordiales de l’écologie culturelle. Au lieu d’imposer à la planète un modèle occidental très imparfait et aux échecs moraux patents, ayons l’intelligence de regarder dans toutes les sociétés ce qui fonctionne, de prendre nos inspirations partout et de ne pas avoir peur d’inverser nos regards. Le temps du retrofuturo est arrivé, du tri sélectif, sans à priori, de façon pragmatique. Ce qu’il faut garder (la concurrence), ce qu’il faut supprimer (l’accumulation exponentielle non redistribuée). Ainsi, nous agirons dans tous les domaines sur les questions morales qui sont au cœur de notre siècle.

L’écologie culturelle est une façon de défendre des comportements et des croyances variés. C’est aussi une manière d’unifier les humains autour de consensus minimaux destinés à leur survie collective et à ce qu’ils considèrent comme une morale collective de base (le refus de l’excision, par exemple).

Si un rendez-vous cataleptique comme une élection présidentielle en France ne sert pas à rebattre les cartes et à s’ouvrir vraiment au monde multipolaire qui se dessine, à quoi bon ? Faut-il remâchouiller un nationalisme racorni qui a montré ses échecs sanglants ? Faut-il singer des révolutions pour substituer un pouvoir à un autre plus dictatorial encore ? Faut-il faire de l’écologie une nouvelle religion comportementale où, au lieu de commencer à prendre en main sa vie et celle de son entourage, on obéit sous la peur à des diktats dans un grand hôpital planétaire uniformisé et bien-pensant ?

Profitons des échéances à venir pour entrer dans de vrais débats, restituer un avenir à la jeunesse, ne pas croire au monde parfait –inhumain—mais sans cesse perfectible, pour clamer notre pouvoir local-global et nos choix retrofuturo dans des perspectives résolument pluralistes et inventives. La justice et l’environnement sont les deux enjeux du monde à venir. Ouvrons les yeux.

(allez lire plurofuturo sur www.fauteuiltronik.com  / book)

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02 : 10 : 10

conférence de presse - REVEILLONS-NOUS !

 

Je fais une conférence de presse le jeudi 14 octobre 2010 à 10h30 au cinéma Reflet Médicis (3 rue Champollion à Paris). J'y lance le "cinéma espresso", ces 5 longs-métrages réalisés grâce à la Métropole Rhin-Rhône. Utilisant les techniques numériques maintenant à notre disposition, il est une sorte de nouvelle Nouvelle vague, permettant de tourner pratiquement sans producteur, à équipe minimale (2 personnes) et dans des temps très courts (deux semaines) des films ambitieux (avec un long travail de montage et de préparation).

C'est un moyen d'échapper aux formatages imposés partout et de laisser s'exprimer des réalisateurs du monde entier, même dans des pays à très petits moyens. Nous avons en effet besoin de cette bouffée d'air pour régénérer le cinéma dans toutes ses formes et pour tous ses supports, de la projection sur grand écran (qui reste une part essentielle et constitutive) aux diffusions sur le Net.

Je parlerai aussi des 5 livres en vente sur ce site et du lancement de celui sur www.fauteuiltronik.com, consacré à donner des perspectives aux jeunes pour la vie quotidienne et le futur, face aux voleurs d'avenir nous rabâchant leurs échecs et leur impuissance depuis 40 ans. Il est temps d'ouvrir les yeux sur notre planète mutante, même dans un pays moisi. Le film "L'info est-elle comestible ?" sera projeté à cette occasion.

Bref, du "lourd", résultat de décennies de travaux. Je ne crois pas me livrer à nouveau à ce déshabillage public. Donc, soyez là !

 

post-scriptum : je ne surveille jamais les statistiques d'habitude et là, jetant un oeil tout en sachant les visites nombreuses et régulières, je constate que ce site a été regardé le mois dernier par 48 pays de tous les continents. Cela fait plaisir en indiquant que nous allons peut-être sortir de la chape de plomb...

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17 : 09 : 10

La Cinémathèque enterre le cinéma ?

 

 

Voilà la vitre derrière laquelle était Jean-Pierre Léaud. Je me suis retrouvé à côté de lui à la sortie de la cérémonie en hommage à Claude Chabrol. Il était égaré, pas rasé, chouinant quelques mots à un journaliste qui l’avait reconnu. Il est parti devant moi, petit, silhouette de guingois, clone éploré de Truffaut, de grands cheveux de sorcière teints. Touchant. Je n’ai pas voulu l’embêter, le photographier avec mon portable quand il se trouvait à 20 centimètres, percer son désarroi, ni quand la silhouette noire un peu boulotte claudiquait pour s’enfuir dans une voiture. Voilà donc la vitre qui cachait Jean-Pierre Léaud.

On eut vraiment le sentiment d’un monde s’enterrant lui-même avec ce cercueil devant les mots « Cinémathèque française ». Un cinéma disparu, un rapport au cinéma évanoui, Langlois et Mary Meerson et Lotte Eisner momifiés.

Traffic de cercueil à la Cinémathèque ?

Claude Chabrol n’était pas mon cinéaste de prédilection, sorte d’Hitchcock dilettante, parfois un peu obsessionnel et bâclant. Mais sa causticité me plaisait, son indépendance d’esprit aussi et sa verve anti-normes et régimes. Il vivait et défendait la liberté. Il aimait le cinéma, trouvait des plans et des répliques malicieusement ou violemment.

Pendant une période, nous achetions notre journal à la même kiosquière titi parigote place de la République tous les matins. Et nous trouvions une réflexion de circonstance : très jovial comme très secret. Je l’ai retrouvé plus tard mais ce n’était pas aussi drôle que ces happenings matinaux, cette rivalité en causticité sur n’importe quoi, du détail à l’actualité.

Plus que lors de ses interventions à la télévision, Isabelle Huppert fit un très intelligent et sensible discours. Et je partis dans mes fantômes, tandis que la Cinémathèque servait d’église pour enterrer une génération, symbolisée par Jean-Pierre Léaud en deuil et en fuite.

Alors, je crois qu’il est temps de lancer une nouvelle Nouvelle vague faite de celles et ceux, passionnés d’images à travers le monde, tentant encore, ouverts à toutes les techniques et les expériences, qui ne pensent pas que filmer c’est exercer une profession.

Le cinéma vivra d’être bousculé, enragé, possédé, par celles et ceux qui auront beaucoup vu.

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28 : 08 : 10

Oui, 5 livres édités en ligne pour agir !

 

PARLEZ DES VRAIES NOUVEAUTES !

Regardez la rubrique "livres" de ce site Internet (consulté le mois dernier dans 48 pays répartis sur tous les continents --ce qui fait plaisir). Vous verrez que vous pouvez désormais commander cinq ouvrages, soit sur papier, soit en téléchargement. Roman et essais, ils se veulent des guides de nos temps qui changent. Avec exigence, ils montrent que des contenus longuement travaillés peuvent apparaître sur la toile. Parlez-en, signalez-les, car c'est ainsi que des réflexions indépendantes se diffuseront. D'accord ou pas d'accord, voilà en effet qui est plus important que beaucoup de billevesées encombrant les libraires. A vous de faire l'événement.

Le troisième volet de L'Homme planétaire, intitulé mixplanet, est actuellement asapté sous forme de bande dessinée par l'artiste chinois Ye Xin.

Et puis cinq longs-métrages seront diffusés (conférence de presse le 14 octobre 2010 au cinéma Reflet Médicis à Paris) : "cinéma espresso". Là encore, des pensées et des produits non formatés trouvent des moyens d'expression à relayer en France et à l'étranger. Sinon, le Dictionnaire mondial des images va sortir en édition de poche le 9 novembre en librairies (éditions Nouveau monde, diffusion Gallimard-SODIS). Enfin, je viens de finir cet été un ouvrage de synthèse Comment devenir plurofuturo ? [petit guide de l'avenir] avec un dessin de Willem en préface et une postface d'André Stas (joyeux camarades), qui démarrera le travail d'un jeune éditeur : www.fauteuiltronik.com.

Le cadavre bouge donc encore...

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26 : 07 : 10

miscellanées d'été

Ici, c'est l'été. Ou cela devrait. Par habitude, on veut paresser et la pensée se fait confettis. Bribes qui se superposent. Une giclée de bonheur au musée du Bardo à Tunis où ces mosaïques, destinées à être piétinées, nous font imaginer la qualité des peintures disparues. Images dans les images.

Des claques visuelles aussi en voyant Dreamlands au Centre Pompidou, impertinente variation sur l'art et la ville comme parc d'attraction. Enfin quelque chose de décapant, hors monographies et thématiques "blockbusters" ressassées. Désormais, je vois des cabanes partout : le squatter japonais Kawamata a développé ses petits bubons, ses pustules, ses chrysalides, ses cabanes précaires, dans et sur le bâtiment du Centre. Sympathique. Pourtant, pendant ce temps, on n'en finit plus de constater une parole politique décrédibilisée. Les Français aiment qu'on leur mente (la "rigueur" de Mitterrand sous Mauroy), mais jusqu'à quel point dans l'aboiement tous azimuts et contradictoire ? Tant que quelqu'un n'aura pas eu le courage de faire comprendre que les périls environnementaux touchent les masses en priorité et que la morale veut qu'écologie et justice sociale marchent de pair, que l'acculturation crée des consommateurs passifs manipulables et que la mondialisation n'est pas l'opposition concurrentielle des peuples mais la compréhension d'enjeux communs, on bidouillera du conservatisme injuste dans son coin pour contrée moisie. J'exècre en effet ces mensonges généralisés, partout, pour garder ses petits privilèges. Je me méfie aussi de l'odeur de boue pourrie qui sort de politiques et de médiateurs déconsidérés. Il faut tout secouer clairement, car nous avons des perspectives.

Promenons-nous chez Prévert et Trauner et André François, aux confins du Cotentin, quand la campagne grasse et bocageuse vient lécher la mer, tout près de la centrale barbelée de la Hague. Quel contraste. Fait frémir.

J'ai fait provision de G.K. Chesterton pour la plage. Fumé un cohiba dans ma cabane, près de la menthe d'Alice Debord rapportée de Champot, tandis que la politique-news se pousuit au dehors : au lieu d'imposer du sens sur le long terme, on surréagit à n'importe quoi dans tous les sens au jour le jour, en jeune chien fou excité par la moindre feuille qui bouge. Toute lisibilité durable est perdue dans ce populisme échevelé. Qui osera tracer des voies courageuses et rétablir la valeur de la réflexion, de l'effort et du savoir ?

Et puis, disons-le, nous sommes toutes et tous des Roms, des Gitans, des gens du voyage. Quelles sont ces sociétés aberrantes qui encouragent un tourisme de masse, des produits envoyés à l'autre bout du monde sans raison si ce n'est le profit immédiat, qui ne cessent de parler, lire et regarder ailleurs, dans une ubiquité totale, et veulent interdire les modes de vie nomades ? La circulation du commerce mais pas la liberté des individus, pas le respect de savoirs différents en fonction de son mode de vie. Non, il faut asservir et normer. A suivre.

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13 : 07 : 10

une cabane

Une cabane n’est pas une maison. Une cabane, cela perche dans le Colorado à deux jours de marche de tout habitat, au fond des calanques, ou dans les jardins ouvriers de Berlin Ouest enserré par la guerre froide. Il pleut sur une cabane. Il pleut du soleil, il pleut une bruine regardée du pas de porte. Il pleut toujours, même des étoiles, mais on est DANS la cabane, à l'abri, replié(s). Une cabane est une grotte isolée. Car une cabane, c’est plus rustre qu’une guer mongole ou une case sur pilotis en Amazonie ou au Laos, même qu’une boite de survie collective bricolée dans un bidonville de Mumbai.

Chassons cependant sans délai les mauvais esprits et les erreurs de jugement : loin, loin, la puanteur vernissée des rengaines au Canada, fleurettes comprises, et les pissotières « au fond du jardin ». Sophistiqué chalet ou vulgaires planches. Pas des cabanes.

Une cabane sert à jardiner ou à chasser ou à penser en fumant la pipe dans l’ondée et la rosée. Il y a peu de choses dans une cabane. Quelques instruments (couteau, fusil, jumelles, sécateur, pelle, ouvre-boîte...). Quelques lectures de survie : manuel de pêche, Thoreau ou Walt Whitman, spécialement Feuilles d’herbe dans l’édition de 1909 avec un envoi du traducteur, Grey Owl et ses castors du Saskatchewan, Winsor McKay, un album sur la campagne anglaise, une visite à Claude Monet, des promenades chamaniques, Les Cent vues du mont Fuji... Des provisions de bouche aussi, qui rapprochent du marin en plein océan et du campeur égaré dans le Chiapas : sardines, pâté Hénaff, parfois terrine d’écrevisses ou bocal de ratatouille.

On est un peu hébété dans une cabane. On peut s’asseoir sur un tapis et des coussins berbères sales et élimés, discuter pour un pow-wow à la lueur vacillante d’une lampe la nuit, à deux-trois, sous les comètes. Boire du thé brûlant ou une lampée de whisky, tirée d’une flasque. On boit peu. On boit sec. Ca racle. Gorgée après gorgée.

Dans une cabane, tout incube. Les maladies comme la méditation.

Je viens de finir d’installer ma cabane en fond de cour-jardin à Montmartre et j’ai l’intention de m’y retirer. D’y partir. De côtoyer Conrad ou London, de cracher avec Villon. De détourner la ville avec un cube d'imaginaire précaire, mobile, humant le bois, la résine. Une cabane se greffe n’importe où, surgit à contrepoint.

Peut-être pour me taire. Peut-être pour inviter. Peut-être pour y jouer avec mon dernier fils. Peut-être pour tresser des chroniques, des chroniques de cabane. Cela risque de me rendre encore plus bizarre et atypique par rapport, non pas au monde qui nous entoure, mais à son interprétation convenue.

En effet, je ne VOIS décidément pas comme mes contemporains. Détestant autant l’abscons radical et protecteur que la bouillie imprécise, récupératrice, inculte, molle et sale, qui étouffe tout, surtout les quelques besogneux avec conscience.

Je me reconnais pourtant en quelques-unes et quelques-uns, partout, hier, demain. Dans ma cabane, je peux bouder. Mépriser. Cesser de me répandre devant la médiocrité et le vol. Dans ma cabane, je regarde en oiseau planeur. Je fume ou je rêve que je fume de l’Amsterdamer au pain d’épices. Dans ma cabane, je suis loin, près des grands lacs et des coureurs des bois, de la mousson et des Yaos avec du thé de forêts primaires à si longues feuilles et jus ambré.

On va trouver certains de mes livres en ligne (cinq). Je me soucie de la diffusion des films, jusqu’au dernier au Mali (minimal et théorisant la vanité des images). Et prépare des séquencettes avant un long-métrage de fiction. La cabane n’est pas un cercueil-express pour retraite avancée… Une éclipse juste, une bouffée d’air, un coma.

Faut-il y clouter une poire à poudre et vivrai-je assez pour en faire un tour complet ? Pas sûr. Regardons ailleurs.

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01 : 06 : 10

Yesterday Chomsky

I heard Noam Chomsky yersterday and was very disapointed because I felt this was a yesterday way of thinking. Chomsky still lives in a capitalist-marxist world, even if he likes Bakunin : one global world against another global world. One unique model against another unique model, both built by Europe and North America.

This monotheist way of thinking is out. The struggle is now between the capitalist/industrial model against many other ways of thinking coming from all over the world by mutant people.

It is a matter of fact that nowadays, in the age of Internet, we do live in a new world, a ubik world. The real choice is between one global economy/one global way of life against pluralists ways of thinking and living : one productivist and anti-democratic business against various ways to protect nature and cultures, to move and experiment. In this local-global and retro-futuro perspective, everyone everywhere is able to change her or his life. Then everyone, from Lao jungle or Mali, is as interesting and valuable as an intellectual from Philadelphia. Everyone is able to choose micro-economics and reject many aspects of global attitudes. Everyone speaks all over the world to stop this non-sense, these global ecological dangers.

That is our new relative world. The World of Relativity that pluros-futuros build. A non-stop moving world. A world of bio-diversity, economico-diversity, politico-diversity, culturo-diversity. No perfection. Create yourself everyday. Learn to choose. And change.

 

P.S. I am very sorry because, these days, you don\\\'t see many new material on this website. In fact, I am just working to publish 5 books that you will be able to buy on-line (novels and philosophy). I am also finishing 5 movies (1h45 each) of what we call "cinema espresso" about important questions of our moving world. They have been prepared in Europe, in Japan, in Mali and in India.

Above, a picture of "los pueblos indigenas Triquis"  in the independant city of San Juan Copala Oaxaca (Mexico). Independant for a while or for a long time ? With others ?

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12 : 05 : 10

Vieilleries

Un âge advient où nous nous mettons à penser que nous réalisons beaucoup de choses pour la dernière fois. Certaines ou certains ne le supportent pas. Pris par cette déréliction de bonne heure, j’ai toujours fait l’effort d’aller voir le bout de la rue à Valparaiso, persuadé que j’étais de ne plus jamais y retourner. D’autant que je n’y suis jamais allé.

J’ai ainsi rencontré des personnes en les imaginant mortes sous peu. Et elles sont mortes. Non, ne fermez pas votre porte, d’autres vivent. Je suis même capable de dire mon affection ou mon admiration à quelques-unes ou quelques-uns.

Mais le pire du passage du temps, celui de la plus sombre mélancolie, tient au fait de savoir que des situations n’existeront plus. Ta cervelle se charge tout soudain de pluie. Tes pieds pèsent comme les colonnes d’un temple. Tu ne penses plus qu’à des morts. Tu parles aux morts.

C’est l’acide sulfurique qui ronge nos plaisirs journaliers.

Aujourd’hui, j’ai visité ma tante de 107 ans. Un pavillon "moderne", ce qui veut dire moche et géométrique. Des couloirs labyrinthiques déserts et trop chauds. Des portes ouvertes avec un gisant râlant, nu, ou une vieille en peignoir échevelée, qui se cache. Une folle vous colle pour dire qu'on lui a volé sa chambre.

Ma tante dormait paisiblement, ne voit plus, entend difficilement, ne se déplace pas. Que faire ? Continuer ce néo-coma ? Abréger ?

Le vieillissement général de la population nous pose des questions inédites. En dehors de la question matérielle de la transmission du patrimoine –s’il y a—, qui advient désormais lorsqu’on n’en a plus besoin, car je pense toujours qu’il faut supprimer l’héritage (sauf une somme forfaitaire égale à prendre quand on veut dans la vie).

Non, la question est morale et sentimentale. Donc beaucoup plus cruelle. Elle concerne les autres et soi-même.

Il existe une injustice de la retraite. Injustice financière avec des vieux pauvres et des jeunes-vieux qui sillonnent le monde.

Injustice aussi dans l’état physique et mental : corps et esprits détruits ; âmes en peine de personnes en pleine santé physique et mentale soudain jetées à la porte. Il est probable qu’entre 55 et 80 ans il faille trouver des formules à la carte avec du temps aménagé. Cela doit se faire dans une pensée nouvelle de l’organisation du travail, de l’image du travail, de la notion d’utilité sociale, où le bénévolat entre en ligne de compte. Pas de travail-bagne et de loisirs-paradis de la consommation.

Et puis reste le regard sur ce qu’est un être "fini"/désintégré. Au-delà de notre terrible épidémie de cancers, quel intérêt de faire durer les absents ? Quelle torture pour les familles de voir des êtres aimés se déliter mentalement et physiquement, jusqu’à devenir méchants ou inertes ?  Si le degré zéro de conscience apparente (le « légume ») est abordé, la méchanceté de vieux aigris est occultée.

Soi-même, souhaite-t-on devenir un boulet pour ses proches en étant l’inverse de ce que l’on a pu montrer ? Comme Debord, il faut avoir la lucidité d’arrêter. Garder sa dignité. Préserver autrui.

Mais les autres ? Piquerons-nous ces vieux venimeux ou bavouillants ?

Ce qui est sûr est qu’il faut arrêter d’écraser la jeunesse par des puissants séniles s’accrochant à leurs privilèges de façon pathétique, regrettant sans cesse hier. Et cesser aussi de voir des intelligences vives se promener les bras ballants dans la rue, fantômes hagards, sous prétexte que l’âge fatidique est dépassé. Chômeurs du temps. Une nouvelle concordance des générations est nécessaire.

Elle s’accompagnera sûrement de solutions diversifiées des fins de vie où la mort ne sera plus taboue --comme dans beaucoup de sociétés à travers le monde.

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04 : 05 : 10

Têtes réduites

Méfiez-vous toujours des évidences, des bonnes consciences, des saints et des gourous. Préférez les imparfaits et inversez les raisonnements. Respirez. Respirons. Osons être à contre-courant. Bancals mais honnêtes.

Deux exemples : la contrition mémorielle et la restitution des œuvres d’art.

Qui aujourd’hui justifie les génocides, les massacres, les horreurs ? Seuls les tenants des guerres saintes, des éliminations ethniques. Mais attention quand même : ils y croient et succèdent à une longue lignée de rétros. Ils se voient même comme les derniers héros du don de soi. Ils méprisent les sociétés « molles », décadentes face à celles de l’idéal. Les combattre suppose de choisir les moyens. En dehors d’une police planétaire pour éviter les expansions guerrières, le meilleur est peut-être de brandir d’autres images, d’autres façons de faire, d’autres courages, d’autres visions. De montrer que le devenir, la passion, l’épanouissement, la découverte, l’invention, l’humour sont ailleurs.

Il n’empêche, en Europe, des monos-rétros se sont acharnés à la fin du XXe siècle à vouloir corriger l’histoire, dans un torticolis rétro. Ce fut sensible sur la question de l’esclavage pris dans son unique dimension du commerce triangulaire entre Europe-Afrique-Amérique, en oubliant l’esclavage intra-africain, celui vers les pays musulmans ou à partir de l’Asie. Cela est vrai aussi concernant la volonté d’extermination des juifs d’Europe par les nazis : « la solution finale de la question juive », propos de la conférence de Wannsee le 20 janvier 1942, expression qui est d’ailleurs la seule non anachronique, contrairement aux mots « Holocauste » (utilisé dans le monde anglo-saxon) ou « Shoah » (en France), postérieurs.

La repentance est inopérante. Etrange pratique de nos sociétés, comme un achat d’indulgences. Au Japon, on reconstruit. Après 1945, on s’inspire du modèle vainqueur considéré comme plus opérant. De toute façon, la génuflexion, les offrandes lacrymales pratiquées par les criminels, sont un cautère sur une jambe de bois. Qui peut vraiment pardonner l’impardonnable ? Imposées aux générations suivantes, cela n’a aucun sens et est même injuste. Chacun est jugé sur ses actes propres.

Désormais, il est donc temps d’un travail d’histoire, répondant à un besoin de repères. Ces repères doivent continuer à être discutés et enseignés. Parallèlement, les crimes de nos sociétés européennes deviennent de plus en plus d’une autre nature : injustices sociales croissantes, fragilisation morale avec des individus assistés pour être mieux manipulés et destructions environnementales. Nous pourrions ajouter --sans que cela soit un crime-- absence de vraie démocratie de l'information au niveau planétaire dans notre guerre mondiale médiatique.

Dans d’autres sociétés, il s’agit encore de coercition religieuse, d’absence de liberté politique et de mœurs contraintes ou de guerres et d’agressions qui apparaissent de plus en plus systématiquement comme des crimes contre la communauté humaine. Les femmes ou les homosexuels subissent en certains endroits des pratiques cruelles et injustes. Parfois, il s’agit simplement du fait que la différence n’est pas possible dans une micro-communauté. Voilà la nécessité d’un Pacte terrien évolutif, qui n’impose pas les règles de la bonne conscience occidentale, mais rebatte les cartes et oblige à examiner toutes les questions de différents points de vue, même la peine de mort ou l’absence de liberté politique.

Pour enfin une explosion comportementale ? La constatation de nos identités imbriquées ? Une démocratisation grâce à Internet ? Des sources plurielles ? Ou des volontés de tout contrôler et d’accroître l’exercice de consommateurs passifs ? La dispersion des modèles avec des îlots autarciques ? Je n’ai cessé d’écrire que la mondialisation, avec ses tendances à l’uniformisation, créerait ipso-facto des réactions grégaires de sociétés figées vivant en blocs, tandis que le grand combat à venir pour les autres serait entre le modèle de la diversification et celui de la robotisation, des clones.

Dans l’état des sociétés actuelles, les monos-rétros se fixent ainsi sur un aspect d’hier pour n’en plus changer. Les rétros-futuros choisissent, trient. Les pluros-futuros y ajoutent une exigence de diversité fondamentale dans leur conception du monde : ils cherchent à ce que personne ne se ressemble, considérant l’altérité comme une richesse et comme une exigence. Nous, pluros-futuros, défendons l’altérité, moteur du devenir.

La restitution des œuvres d’art participe du même phénomène. Le principe paraît indiscutable. Mais la réalité l’est moins. Les objets ont circulé de tous temps sur la planète, créant des influences multiples (les « routes de la Soie » étant un des plus célèbres exemples). De plus, les frontières ont changé. Appliquer aujourd’hui un nationalisme artificiel à des œuvres ou objets considérés comme artistiques est aberrant. La France va-t-elle faire rapatrier tous les objets fabriqués sur son territoire et désormais aux Etats-Unis ? Va-t-elle réclamer de l’argent pour les travaux scientifiques et les fouilles réalisés outremer ? Va-t-elle monnayer ses inventions et leurs utilisations, comme la photographie ? Les historiens du Sénégal, eux-mêmes, considèrent la phase coloniale comme un temps de leur histoire avec ses aspects positifs et négatifs. Ils se réjouissent des objets sauvés, des traces photographiques, des films réalisés. Quant à l’Egypte, qui regorge d’œuvres antiques, n’a-t-elle pas beaucoup gagné en images (et en tourisme) à être une des civilisations les plus répandues dans le monde ? Le chantage à l’histoire dans les institutions internationales n’a jamais servi qu’à renforcer des personnalités corrompues et à engraisser des pouvoirs autoritaires sans que rien ne parvienne aux peuples.

Le temps d’une pensée envisageant un patrimoine commun est donc venu, d’une conservation partagée. Il importe que les pièces puissent circuler. Il est fondamental qu’elles soient visibles sur le Net. La planète est un bien commun. Nous sommes responsables des Bouddhas de Bâmiyân comme de la défense de l’époisses au lait cru.

Notre temps doit être un vrai temps d’échanges, de partages, d’inversion de points de vue. C’est un monde singulier-pluriel que nous voulons bâtir --refusant les pièges idéologiques du passé-- où chaque individu parle et est responsable du tout.

 

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24 : 04 : 10

é - pa - nou - i

Déjeunant frugalement avec un ami sagace qui ne m'avait point aperçu depuis longtemps --qui a un "oeil" de surcroît, un photographe-- je me suis entendu dire à plusieurs reprises une sentence dont je ne suis toujours pas remis : je te trouve  é - pa - nou - i . Pas épanoui, bêtement et sec, court et définitif, non : é - pa - nou - i.
 
J'avoue que cela rassure et fait plaisir, alors qu'on se sent très fatigué, de paraître heureux dans le regard d'un autre. Avais-je le sourire bonhomme et mécanique du dépressif juste avant de se flinguer ? Nenni : é - pa - nou - i , vous dis-je.
 
Pourtant, je reste un naïf pragmatique, refusant la combinazione. De plus, imaginez-vous que, depuis l'enfance, l'injustice m'est insupportable et me mets dans des colères épileptiques. Alors, vous imaginez le décalage avec la société qui m'entoure... Petit à petit, j'ai appris le mépris. L'indifférence pour les cloportes m'est venue en voyageant loin. Alors : é - pa - nou - i .
 
Tiens, un certain Bertrand Tillier découvre que des artistes de gauche pouvaient faire des dessins antisémites pendant l'affaire Dreyfus. Naturellement, il ne cite aucunement mes travaux sur le dessin de presse (ni d'ailleurs ceux sur l'art de son collègue d'université Philippe Dagen). Tillier, vous ne le connaissez probablement pas. Il n'est ni pire ni meilleur que d'autres (et réalise des textes plutôt sérieux, même s'ils peuvent sembler parfois trop anachroniques, liés à notre actualité d'aujourd'hui, pour vendre ses thèses). Son exemple illustre cependant la dérive actuelle du travail scientifique vers l'aimant médiatique.

L'oubli, l'inculture et le manque de scrupules développent en effet une vague de petites frappes prêtes à tout. Déjà nos "nouveaux philosophes" sentaient le racorni marketing en découvrant les méfaits du communisme d'Etat à la fin des années soixante-dix. Maintenant, c'est la foire d'empoigne pour des récupérations tous azimuts. Bon, ils en seront encore à ramasser nos crottes, que nous seront loin... Eéé - pa - nou - iiiiii.
 
Me voilà à Dijon. Temps radieux. Je m'octroie une des rares terrasses farniente de l'année. Place centrale, blanche sur ciel bleu, face à la mairie. Quelques copeaux de lomo, bien peu bourguignons, mais bons. Et puis un essaim apparaît à gauche tandis que personne ne bouge. Un gros essaim avec des bourdons à caméra et des perches à micro, façon bataille de San Romano. Une Reine se déplace entraînant toute la troupe énervée, affairée, bruissante, électrique. Et stengin monstrueux avance. D'un seul coup, ne vlati pas qu'il fonce vers notre groupe de tables. Je frémis, prêt à gicler, m'enfuir pour échapper à la mêlée.
 
Mais ouf, la Reine, longue, filiforme, bronzée, dents blanches et sourire scotché, brushing et laque, sort de la meute qui se dispose en haie et mitraille. Mitraille rien. La Reine n'a rien à dire. Elle parade, fait semblant de serrer les paluches de copains inconnus 2 secondes avant, bise des femmes anonymes comme de vieilles tantes. Et ça prend des images. Des images de rien. Puis l'essaim part dans le brouhaha vers une rue à droite.
 
On me glisse qu'un certain Villepin est en campagne électorale. Eé - pa - nou - iiiii. Je crois que je vais me taper une andouillette aux graines de moutarde. Eé - pa - nou - iiiiii.
 
Voilà. Encore une erreur de casting. Où sont les déchets ?

Ce faisant, s'inaugurait à Dijon une très grande manifestation culturelle titrée "Tout garder ? Tout jeter ? Et réinventer ?". Elle met en réseau d'avril à septembre quelque 100 événements différents dans la ville sur ce thème fondamental quant à l'avenir de nos sociétés. Je lançais avec Othello Vilgard le film Où sont les déchets ? tourné en Inde, un long poème entre rêve et cauchemar du "cinéma espresso".
 
Epanoui ? En tout cas dégagé, sachant ce qui est accompli, s'occupant de l'essentiel. L'heure est au tri sélectif , parmi les personnes, parmi les événements. Profitant de tout, ne se satisfaisant de rien.

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