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12 : 03 : 22 |
Il n’est plus de temps de guerre et de temps de paix dans la guerre mondiale médiatique |
Il n’est plus de temps de guerre et
de temps de paix dans la guerre mondiale médiatique
Le portail decryptimages.net
est interrogé sur le temps de guerre que nous vivons et l’usage des images.
C’est normal, car après l’enferment du COVID, voici le retour des propagandes.
Le retour ?
A
titre personnel –vous le savez-- j’ai réfléchi de très longue date aux
propagandes par l’image. Même si je déteste me faire le perroquet de moi-même
et ressasser des écrits réalisés depuis des dizaines d’années, laissons-nous aller à un peu
d’ego-histoire dans nos périodes abrasives d’obsolescence intellectuelle programmée.
Pour
moi, le moment fondateur fut probablement le long travail sur la propagande par
l’image en 1914-1918, temps décisif du « bourrage de crânes » (livre
et exposition de 1987 --avant la réalisation de l’Historial de la Grande Guerre
de Péronne). Ensuite, les exemples furent nombreux, avec des bilans collectifs entre
la propagande sous Vichy, la guerre d’Algérie, la Yougoslavie, Voir/ne pas voir la guerre sur
l’histoire de la photographie de guerre… Je résumais et conceptualisais tout
cela en 2000 avec Les Images qui mentent. Histoire du visuel au XXe siècle (Seuil) et Un siècle de manipulations par l’image (Somogy).
Après le Dictionnaire mondial des images en
2006 puis Images, une histoire mondiale, j’ai publié en 2007 à partir d’un travail d’études statistiques européennes
inédit que j’avais piloté : La Guerre mondiale médiatique (Nouveau
Monde). Cela résume ma pensée sur ce point : nous sommes entrés dans un
temps où publicité et propagande se mêlent, où temps de guerre et temps de paix
s’imbriquent. Les cyber-attaques sont des agressions dans le virtuel pour des
conséquences réelles, qui n’ont plus besoin du fracas des armes.
Voilà pourquoi le réveil soudain des consciences à
cause de l’invasion russe en Ukraine est surprenant, tant les Etats comme les
puissances commerciales ont depuis longtemps intégré l’importance des guerres
d’influence par écran interposé. Cela s’est multiplié avec les réseaux
sociaux (et la totale confusion des genres : des images de guerre et de
massacres occupent Tik Tok baignées de musique rock, tel un clip musical). Ce
n’est pas neuf, quand les Etats-Unis ont utilisé dès la Première Guerre
mondiale leur industrie cinématographique comme véhicule de l’American Way of
Life. On appelle cela désormais du « soft power ». « Soft »
peut-être par l’aspect masqué, mais « hard » dans la réalité des
conséquences avec l’injonction à paraître et les guerres d’images où la chute
se fait dans la seconde et la célébrité sur un rien.
Le combat des supports : un
label PLURI
L’importance de ce que j’ai appelé la guerre
mondiale médiatique n’est donc plus niable. Les stratèges civils comme
militaires intègrent même désormais un basculement où la guerre médiatique
apparaît plus efficace et moins coûteuse à tous égards que la guerre
matérielle. Cela incitera-t-il à porter une vision différente des enjeux, des
publics, des buts ?
Les conséquences sont très vastes. Focalisons-nous
sur un aspect : la question de la défense des libertés et des choix
éclairés. Si nous ne souscrivons pas à une vision univoque autoritaire pour des
raisons idéologiques ou religieuses ou d’intérêts financiers, comment opérer ?
La défense de la plurivision (PLURI) par rapport à la monovision (MONO), la
défense de la diversité, est ardue. C’est bien en général aussi le problème de
la distorsion entre les milliards d’expressions personnelles et les quelques
news répétées en boucle. En temps de guerre comme en temps d’épidémie, le
processus de concentration se radicalise.
Que des communicants et des militants promeuvent
des marques et des individus, des idées et des croyances, n’est pas choquant en
soi. La question préoccupante demeure la délimitation des genres. Aujourd’hui,
il faudrait séparer ces visions monosémiques et les supports défendant la
plurisémie. Ce n’est pas clair pour le public. Un label PLURI appliqué à tous
les supports qui veulent défendre des confrontations de points de vue,
appliquant un code déontologique international, devrait être mis au point, avec
possibilités de sanctions par un contrôle collectif. La pluralité se défend
mal.
Il ne peut en effet suffire de dénoncer le complotisme,
les fake news, les rumeurs délirantes. La rupture face au réel et à son
interprétation est plus profonde : quand un président des Etats-Unis nie
sa défaite électorale et théorise des « vérités alternatives » au
mépris des faits, nous entrons dans une confusion totale volontaire entre croyance
et information. En regard, j’observe des progrès car les particuliers et les
professionnels perçoivent la fragilité des images : l’exposé de leurs
conditions de prise de vue et de leur commentaire et contexte est plus
important que leur contenu. La relation des différentes interprétations est alors
essentielle car cela permet de comparer et de comprendre les mécanismes à
l’œuvre. Elle doit accepter les méthodes de la vérification scientifique et de
l’acceptation des faits dans la diversité évolutive de leurs interprétations.
La pluralité est aussi structurellement indigente
–nous l’avons dit—lorsqu’un gouffre sépare les milliards d’expressions
individuelles et quelques news qui tournent en boucle. Voilà pourquoi cet appel
à la pluralité doit s’assortir du développement de médias-relais stratifiés du
local au global. C’est bien l’émergence de tous ces médias locaux, régionaux,
thématiques, qui devrait permettre de mettre en éveil ceux qui se veulent
nationaux, continentaux ou internationaux. Sinon, comment réussir à
faire des choix ? Nous devons changer d’échelle dans la structure
médiatique pour sortir du précipice entre les milliards d’invisibilités et les
quelques survisibilités. Terrassés par la cacophonie des milliards d’émissions,
nous avons perdu toute ambition et tout volontarisme sur deux niveaux
oubliés et pourtant essentiels : ici --là où nous vivons-- et la
structuration planétaire, qui conditionne aussi nos existences terrestres.
Le combat éducatif
planétaire : EDUCRITIC
Je voudrais finir en répétant ce sur quoi j’insiste
depuis 40 ans : il serait temps de faire de l’éducation aux images à tout
âge. Partout. Un vrai combat éducatif s’impose quand les savoirs
ancestraux se perdent et les repères sur notre univers multimédiatique sont
ignorés. Se situer dans l’espace, dans le temps et par rapport à ce réel
projeté, cette vision indirecte sur écran qui est notre imaginaire ancré.
Comprendre l’Histoire stratifiée comme l’histoire générale du visuel. Défendre
les savoirs, c’est défendre la capacité à effectuer des choix éclairés.
Certes, il existe des milliers d’excellentes
initiatives mais rien de coordonné et pas de repères généraux en histoire du
visuel et en techniques d’analyse. Tout cela peut pourtant se faire de façon
simple partout. A decryptimages.net, nous ne cessons de plaider pour cet
impératif éducatif, qui est un impératif citoyen. Nos expositions gratuites en
ligne y contribuent. Dans le respect de l’exigence scientifique
(n’interdisant nullement l’imaginaire et l’irrationnel).
En effet, le refus des méthodes expérimentales et
critiques de la science, la contestation des faits est un danger—répétons-le-- car,
si toute conception du monde peut s’envisager dans une philosophie de la
relativité, elle n’est tolérable qu’à condition de ne pas imposer la
destruction des autres et d’accepter l’existence d’autres manières de penser.
Pas de dialogue planétaire humain sans acceptation
de savoirs évolutifs et critiques. Cette démarche s’inscrit dans un mouvement
international EDUCRITIC. Le combat éducatif doit ainsi se mener partout avec
volontarisme. Partout où tant de populations sont démunies de tout savoir sur
le fonctionnement de notre planète comme sur leur univers proche (l’histoire de
là où ils habitent, leur environnement) : connaître la biodiversité et la
culturodiversité participe d’une lutte contre un obscurantisme destiné à faire
des individus des proies perdues prêtes à devenir des consommateurs addictifs
de tout et n’importe quoi, produits, idéologies ou religions autoritaires. EDUCRITIC
est une exigence à diffuser pour propager nos connaissances évolutives autant
sur la biodiversité et le climat, que sur l’histoire du visuel ou la santé.
Intéressons-nous à nos enjeux vitaux. Nous avons pourtant décollé du
réel dans un metavers qui se moque de tout rapport aux faits et aux lieux, alors
que nous devrions être obnubilés par l’accroissement de nos connaissances pour
un rapport harmonieux à l’environnement.
Petite promotion pro domo : sur la
question des médias, signalons qu’à Nuage Vert (nuage-vert.com) à
Argentat-sur-Dordogne, dans la ruralité, un livre et une exposition sont
consacrés en 2022 à LA MORT DE LA TELEVISION à travers les dessins de
Dobritz. Christian Delporte et moi-même avons collaboré pour analyser les
profondes transformations du support et ce que cela veut dire dans
l’éparpillement médiatique, qui est aussi une concentration violente de notre
ubiquité sur écran avec des formes d’inexistence.
La guerre mondiale médiatique en effet ne cessera
pas, sauf à ce que notre planète subisse un mouvement-confetti de communautés
séparées, autarciques, souvent antagonistes avec des déconnexions radicales. Ressaisissons-nous
alors. Mettons en place ce label PLURI et ce combat éducatif critique car il
vaudrait mieux s’occuper d’ici (de notre vision directe) et des problèmes réels
fondamentaux collectifs --climat ou pollutions de la terre, de l’air, de l’eau.
Unique dans le multiple. Soi et terriste (je viens de sortir un livre sur ce
sujet avec Marc Dufumier : Pour une conscience terriste). N’en
doutons pas, la manipulation des esprits à la faveur d’une déculturation généralisée
est sûrement le pendant des dangers majeurs qui pointent et nous menacent.
Alors, en guerre ou en paix, défendons ce slogan lancé en 2010 : Résistance
des Savoirs / Knowledge is Beautiful !
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27 : 12 : 21 |
L'INJONCTION A PARAITRE OU INEXISTER |
Le rapport des humains aux autres a toujours été
théâtralisé. Nous nous mettons en scène face aux autres et le « naturel » n’a
aucun sens. Toute personnalité est pourtant construite d’éléments différents et
d’ailleurs diverse avec des identités imbriquées, même si beaucoup cherchent à
se rassurer dans l’exercice d’une autocaricature avec un seul emploi.
La connexion à un monde à distance généralisée avec les
portables pour beaucoup d’humains les a fait entrer dans une ubiquité sans
précédent où la vision indirecte importe davantage que la vision directe et
l’ailleurs prime sur l’ici. C’est paradoxal et anormal, alors que l’ici devrait
prendre le pas sur l’ailleurs, tout en pensant local-global, puisque cet
ailleurs a des incidences patentes sur tous les ici.
Aujourd’hui, nous sommes entrés en science-fiction et
même probablement en dystopie. Alors, Metavers, cet univers parallèle où nous
agissons avec notre moi virtuel, ne fera qu’augmenter un phénomène dont nous
devons nous prémunir tant cette course au « progrès », cette illusion
prométhéenne risque de confondre le désir du futur avec la nécessité du mouvement
et de faire que la liberté sera l’esclavage. C’est pourquoi la recherche de
limites dynamiques doit nous occuper plus que jamais, plutôt que la course non
maîtrisée vers l’aliénation.
Etre soi n’est pas subir la projection de son image
Les fameux « réseaux sociaux » (souvent asociaux) sont
le symptôme d’une société de spectateurs-acteurs qui a succédé à l’heure
d’Internet à la société du spectacle du temps de la télévision. Chacune et
chacun est son média. Nous sommes en selfie permanent. Parallèlement, cela a
radicalisé l’inexistence sociale de certaines et certains et accompagne un
émiettement de petits groupes. Nous résumons-nous pourtant à notre nombre d’ «
amis » et de « j’aime » et de « followers » ? Sommes-nous quantifiables ? Notre
impact est-il celui des chiffres d’ « influencés », quand des achats d’audience
les multiplient ? Nos messages doivent-ils devenir des « nouvelles »
pauvres, martelées, «virales », vite avariées ?
L’inadéquation de soi et de l’image de soi --jusque dans
les campagnes diffamantes ou les adulations laudatives sans objet véritable--
est ainsi le pendant d’une injonction incessante à figurer publiquement sous
peine de ne peser sur rien, de n’être rien, d’inexister. Nous, les inexistantes
et inexistants portons pourtant une grande richesse de comportements, d’idées,
de solutions et de sourires.
Mais la sommation incessante à s’autofigurer crée de
fait une distanciation de plus en plus grande entre soi (la façon dont
l’individu –être en évolution constante-- se perçoit) et l’image de soi. Soi
considère souvent que son reflet ne cesse de le trahir. Et l’anthropophagie du
reflet médiatique finit par aspirer la source. Un néant de l’apparence comme
ces influenceurs et influenceuses déversent le minimal, la pensée minimale,
l’espace réduit.
D’où l’injonction, l’impératif de résumé médiatique, le
tweet fictionnel de son identité qui favorise les bouffons simplificateurs
défendant n’importe quoi pourvu souvent que cela soit radical, dans un sens
réactionnaire, dictatorial, de dogme religieux, liberticide, ou pour des
révolutions qui ont marqué dans le sang leurs aspects non seulement inopérants
mais criminels. La dictature de l’apparence n’a pas comme conséquence que la
chirurgie esthétique ou les retouches numériques.
Nous observons un
café du commerce géant, commentaire du commentaire, où tout vibrionne dans la
perte totale des repères et le hoquet incessant du ricanement. Il n y a plus de
jour et de nuit dans la compétition du rire ou du scandale, la compétition
absurde et destructrice où les faits indiffèrent et l’exagération prime dans le
casino de l’obsolescence généralisée. Le Las Vegas de l’opinion.
La lucidité ?
Elle n’a aucune réalité tant qu’elle n’apparaît pas dans les alertes
médiatiques. On s’essouffle alors désormais d’avoir eu raison trop tôt dans
l’indifférence, corroboré ensuite par les faits dans la même indifférence. La
lucidité devient un acide qui ronge : ne pas se fondre dans la vulgate du
moment dans un sens ou un autre élimine tout impact et condamne à
l’inefficacité et à l’usure. Faut-il pour autant ne pas le faire ? Et,
plus généralement, est-il possible de développer sa singularité-plurielle, de
bouger, d’échapper en partie à la mise aux enchères de sa trombine ? Peut-on
cesser d’être son image de marque pour s’égarer dans l’inconstance ?
S’aventurer entre abîmes et fulgurances ?
Affirmer son droit à la pluralité et à l’évolution
Soi n’a-t-il d’autre solution pour peser sur sa propre
destinée et influencer d’autres que de devenir le pantin exsangue, le
répétiteur de ses paradoxes, le perroquet de sa construction marketing, le
businessman ou woman de son apparence ? Peut-on échapper à la nécessité de
donner aux autres ce que les autres sont prêts à avaler par réflexe : dans
l’esclandre, la colère perpétuelle, ou la bienveillance de façade ? Quand trois
mots et une séquence de 2 secondes en viennent à nous définir --choisis ou
non... La loterie des Saints et des Diables sur écran nous aspire ainsi ou nous
rejette dans l’invisibilité des sans-intérêts, des invisibles vraiment pas vus,
des anonymes même pas bons pour un micro-trottoir. TLMSF est la litanie d’un
rapport au monde où le rationnel et les savoirs ont perdu la partie par déculturation
programmée pour fabriquer des consommateurs addictifs décérébrés (TLMSF veut
dire : « Tout Le Monde S’en Fout »).
Face à cela, chacune et chacun se voit alors gommé-e,
nié-e quels que soient ses mérites ou ses intuitions, quand l’individu ne sait
pas se vendre et voler l’air du temps aux autres. L’injonction à paraître est
aussi l’injonction du décalque dans les régimes autoritaires ou qui se nomment
démocratiques, c’est-à-dire l’injonction à se conformer à la vulgate. Les
donneurs de leçons à postériori sont légion. Et des modes imposent leurs
diktats comme aujourd’hui les concours de victimisation. L’originalité de
concepts, la découverte, l’indépendance d’esprit sont abrasés par cette
commercialisation de l’attention.
Nous ne sommes rien ou devenons des personnages (au sens
d’emploi théâtral, de « character »), des masques stéréotypés facilement
identifiables, alors que nos personnalités sont toujours hybrides. Inexister et
s’indéfinir ou se fondre dans un jeu prédéfini, voilà finalement à quoi nous
rejette l’injonction compulsionnelle à paraître. Paraître pour ne plus être,
devenir moyenne statistique, se qualibrer. Plus le discours d’aspiration à la
différence est diffusé, plus en fait la réalité liberticide se développe,
sanitarisée et chloroformée. Les sociétés du contrôle limitent pour mieux
recycler.
Et, au temps où le corps est sans cesse mis sur la table
comme l’autoconfession, au temps où la santé et le nombrilisme prévalent,
finalement l’autodétermination humaine dans son environnement est mise de côté.
Plus de conscience terriste et plus de souci d’une boussole éducative (dans le
temps et dans l’espace) à tout âge pour choisir en connaissance. Non, pour
toutes et tous, voici l’entrée dans des actions distanciées où nous ne nous
appartenons nullement : metavers, l’inverse de notre métaphysique, le versant
totalisant du figuré. Pour mieux nous contrôler ? Pour mieux nous faire croire
au lieu de nous apprendre à chercher les savoirs ? Pour mieux dissoudre la
question du politique dans des stéréotypes ?
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18 : 11 : 21 |
RURAL POWER |
Il se passe des choses bizarres... Un exode urbain s'opère. Certes pas massif. Et qui laisse les plus pauvres dans des concentrations de populations agglutinées. Mais, COVID aidant et prise de conscience des pollutions, la campagne commence à avoir la cote, du moins certaines campagnes.
Il serait stupide d'envisager les choses dans le cadre d'un combat ville-campagne, quand les villes sont souvent des agrégats de micro-quartiers, de petits villages, d'ambiances psycho-géographiques très diverses et doivent refonder leur rapport au naturel. Dans le même temps, les campagnes se révèlent aussi extrêmement variées pour des raisons climatiques, géographiques, de pollutions ou d'exploitations industrielles des sols. Campagnes et villes sont alors de fait solidaires nécessairement face aux pollutions et aux dérèglements climatiques. C'est hors-frontières. C'est également la raison pour laquelle des relations de respect mutuel sont nécessaires face aux périls communs.
En revanche, l'idée du "progrès" et de l'activisme lié aux villes a vécu, quand la RENATURATION DE LA VIE QUOTIDIENNE devient partout un impératif vital et un lien environnemental central. Voici pourquoi avec amusement quelques-unes et uns parlent de RURAL POWER, de l'attirance pour le monde végétal et un air différent, dans une inversion des priorités.
Tâchons d'éviter que cette vogue se fasse de façon grotesque avec une sanctification de la flore et de la faune. Plus que jamais, partout, c'est un tri rétro-futuro qui doit s'opérer en choisissant ce qu'on veut garder et là où il faut innover, aussi bien dans l'environnement que dans les habitudes culturelles au sens large.
En tout cas, les priorités bougent et vont bouger. Cela va bien au-delà de toutes les péroraisons électorales actuelles.
(l'image est de Valérie Debure / Nous travaillons ensemble, qui a offert le dessin original à Nuage Vert)
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19 : 10 : 21 |
SOCIETES DU CONTROLE ET RESEAUX ASOCIAUX |
SOCIETES DU CONTROLE
ET RESEAUX ASOCIAUX
En 2018, les Rencontres-Promenades « Histoires de Passages… » étaient consacrées à : « CONNECTER / DECONNECTER ». 2021, Nuage Vert menait une réflexion (exposition et livre) sur l’histoire des dystopies : La Fin du monde ne date pas d’aujourd’hui. J’introduisais le propos en affirmant : « nous sommes entrés en dystopies ». La question n’est pas la disparition du vivant sur Terre ou celle des humains, elle est plutôt dans une inquiétude nouvelle née des sociétés de spectateurs-acteurs qui nous sont construites.
Nous observons alors un double mouvement. La « guerre mondiale médiatique » que je décrivais dans un livre de 2007 et cette « société du contrôle » au nom du Bien et du Progrès. Tout s’accélère quand Facebook réfléchit à nos doubles dans Metaverse et quand les transhumanistes tablent sur la sanitarisation obligatoire d’existences basées sur la seule durée. Cette convergence forcée du contrôle par écran interposé où tous nos gestes et pensées sont pistés rendent bien dérisoires les appels aux libertés individuelles : nous devenons des consommateurs addictifs, des supports publicitaires et des rabâcheurs de vérités alternatives dans une disparition de la vie privée. Convergence généralisée pour l’intérêt de quelques-uns.
De l’autre, l’émiettement est en cours à travers nos réseaux asociaux. Pourquoi « asociaux » ? Parce que, sauf à acheter de l’audience et construire une présence par marketing, les milliards d’expressions individuelles n’ont aucun impact. Avec les algorithmes, chacune et chacun émet pour vingt à trente personnes du premier cercle ou se conforte dans un groupe. C’est-à-dire qu’il est illusoire de penser qu’un tweet ou un post puisse convaincre qui que ce soit. Ce sont des milliards d’invisibilités qui s’expriment, au risque cependant de destructions médiatiques certainement plus radicales --parce qu’à distance—que ne l’étaient les rumeurs physiques antérieures. Et les réseaux asociaux, qui ne font pas lien, qui ne brassent pas les idées, qui ne sont pas des forums, entretiennent des solitudes à quelques-uns ou des existences par groupes ciblés.
Faut-il se déconnecter quand votre machine à laver connectée trahira vos habits et habitudes, que les drones surveilleront vos plates-bandes et vos déplacements, que votre dossier santé pistera vos moindres veines, vos excès et vos égarements mentaux ? L’obligation de connexion sera probablement le signe ultime. Sur l’autre face, la déculturation est à l’œuvre quand l’expression est sectorisée et limitée, quand la connaissance du monde est une connaissance confetti avec obsolescence programmée des savoirs ?
« Résistance des savoirs » proclamons-nous depuis 2010 dans une conscience terriste. Face au contrôle généralisé et à la destruction de notre être-au-monde explosé en attitudes-réflexes, atomisé dans une virtualité kidnapping, il importe de définir ses priorités et celles de la planète en mettant la boite à outils là où elle devrait être : dans le hangar, sortie ponctuellement quand elle est utile.
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04 : 09 : 21 |
CONGRES TERRESTRE DE L'HUMANATURE |
Voilà que s'ouvre le Congrès mondial de la nature à Marseille, après avoir été repoussé. De bonnes résolutions vont en sortir (qui est contre la protection de la nature ?) mais il faudrait apporter quelques réflexions sur le sujet lui-même.
D'abord, il ne s'agit pas d'un congrès "mondial" mais terrestre, ce qui est ambitieux (et partiellement vrai car toutes les situations sont loin d'être prises en compte). Ensuite, le terme "nature" est impropre car ce mot de "nature" --qui n'existe pas dans beaucoup de civilisations-- suppose une dichotomie entre les humains et la flore et la faune. Au regard de l'impact des actions humaines aujourd'hui (pollutions de l'eau, de l'air, de la terre, dérèglements climatiques...), penser qu'on pourrait isoler une "nature" préservée dans des ilots protégés n'a aucun sens. Parlons d'un environnement global qui comprend les humains. Insistons sur les interactions humains-nature avec un mot : "humanature".
Il faudrait donc un Congrès terrestre de l'humanature, un congrès sur les interactions.
Autre aspect. Le sujet est constitutif de ce qui fonde l'action de Nuage Vert. Nuage Vert est basé à Argentat-sur-Dordogne dans cette Corrèze qui est une terre d'entomologistes et de naturalistes. Latreille le Briviste, bien avant Fabre, fut surnommé le "prince des entomologistes". Vachal, maire d'Argentat, offrit au Muséum sa précieuse collection d'insectes. N'oublions pas Jeanne Villepreux-Power qui étudia de façon pionnière le monde aquatique au XIXe siècle et inventa l'aquarium. Enfin, Edmond Perrier le Tulliste dirigea le Muséum d'histoire naturelle, participa à la création de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) en 1912 et lança les bases (il meurt en 1921) du premier Congrès international pour la protection de la nature à Paris en 1923.
Nuage Vert occupe ainsi une place héritière d'une longue tradition locale pionnière très remarquable en se donnant pour but constitutif la défense de la biodiversité et de la culturodiversité. Nuage Vert a d'ailleurs publié un livre-manifeste à ce sujet en 2021 : Vivre avec la biodiversité. Il s'agit de réconcilier nature et culture pour vivre ensemble dans l'environnement. Outre la richesse des collections, des textes remarquables de Gilles Boeuf, Marc Dufumier, Jean-Michel Teulière et Laurent Chabrol en font un livre de référence (achetable sur lulu.com par carte bancaire).
Mais le but de ce petit texte (beaucoup trop long à l'ère des punchlines...) n'est pas de faire la pub de Nuage Vert. Il est, après avoir insisté sur les interactions, de souligner aussi que cet esprit global doit prendre en compte les aspects locaux et que la défense de la biodiversité doit se faire parallèlement à une défense de la culturodiversité.
Cessons de détruire les langues, les modes de vie. Certes, il faut appliquer un principe essentiel dans ce monde en évolutions constantes : le tri rétrofuturo. Partout, nous choisissons les traditions que nous voulons défendre et conserver et là où nous voulons innover. La défense de la culturodiversité apporte ainsi la dimension dynamique du travail à réaliser et l'appropriation locale indispensable : défendre la "nature", c'est défendre aussi les "cultures", c'est prendre conscience du mouvement perpétuel, des hybridations.
Voilà ce que le mot "humanature" veut dire : insister sur les interactions au temps des périls graves et comprendre partout le mouvement et les évolutions.
Oui, Nuage Vert vous dit tout cela de bon matin car il est des moments où il faut se secouer pour comprendre des enjeux auxquels de toute façon nous n'échapperons pas, nous humains au sein de notre environnement.
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27 : 08 : 21 |
EXVIRUS |
25 août 2021. Je pars pour un enterrement qui n'a rien à voir avec covid. J'ai échangé hier agréablement en terrasse avec Noël Herpe au sujet de René Clair, d'un film fracassé en 1939 par la guerre ("Air pur"), dont les extérieurs ont été tournés à Argentat, film écologiste, film pré-néoréaliste.
Bref de tout sauf de virus. Et chaque fois que j'ouvre ces sources d'images et de sons indirects, le pilonnage continue. J'écrivais déjà en mars 2020 sur la congestion médiatique, la polarisation absolue jour et nuit sur un sujet. J'espère que des étudiantes et étudiants quantifient et comparent avec d'autres périodes ce qui ne peut avoir d'équivalent au temps de l'info en continu.
ET SI ON PARLAIT D'AUTRE CHOSE. D'autant que dès que ce sujet est abordé, ce sont des montées en vrille concurrentes sans que l'on puisse supposer avant l'attitude des personnes. D'autant que nos sociétés de morcellements communautaristes et d'affrontements de vérités absolues sont dangereuses par l'absence de projets communs quand des périls communs nous guettent.
Alors devenons EXVIRUS, parlons d'autre chose, exfiltrons-nous de cette mélasse insupportable, ballottés entre des Diafoirus vendant leur soupe et des allumés du tocsin final. Parlons de nous ici, parlons de notre planète. Voyons ce que nous pouvons faire ENSEMBLE dans notre environnement. Agissons concrètement.
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14 : 06 : 21 |
CENT MILLE MILLIARDS DE POEMES EN VADROUILLE A LA CAMPAGNE |
Le 12 juin 2021, cent mille milliards de poèmes par Raymond Queneau remis en vie sous un if dans la campagne de Saint-Bonnet-les-Tours-de-Merle
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30 : 05 : 21 |
amediatic |
je viens d'errer dans une bande dessinée qui enfin qualifie ce que je théorise et mets en pratique depuis des années. On peut dire qu'elle parle de tout ce champ "amediatic"
Elle s'intitule UNDERGROUND par Arnaud Le Gouëfflec - Nicolas Moog. UNDERGROUND n'est pas vraiment approprié car elle montre, raconte, parle de créatrices et créateurs qui sont majeurs et ne sont pas
"Underground" qualifiait durant les années 1960 et 1970 une culture "sous terre", qui est devenue l'expression majoritaire et même dévoyée quand des chansons de contestation deviennent ritournelles de pub
Mais là se pose de façon beaucoup plus intéressante le rapport à son double médiatique : ce qu'on est pour les autres. Et toutes celles et tous ceux qui se démènent là INEXISTENT. Pas banalement en restant dans l'immobilisme caché, l'auto-destruction narcotique ou alcoolique ou médicamenteuse ou dans l'abîme du rien répétitif
Elles et ils font, créent, frôlent une gloire immense pour toujours INEXISTER, déjouer le fait de se construire comme une marque. Elles et ils ne sont pas contre les médias, ils y apparaissent et ne se dissimulent pas pour teaser davantage. Ils passent en dehors, ils sont hors-médias, hors résumé visuel, hors slogan
Alors elles et ils INEXISTENT tout en faisant. Elles et ils sont AMEDIATIC, abyssale angoisse et délicieux pied-de-nez
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27 : 04 : 21 |
RECONCILIER NATURE ET CULTURE |
UN LIVRE IMPORTANT
Un tweet n’est pas un livre. Et pourtant aujourd’hui souvent tout se
résume à une accroche provocatrice. Marc Dufumier et Laurent Gervereau
ont voulu écrire un livre, pas un article, un livre qui fourmille
d’idées sur Réconcilier nature et culture. Voilà
l’occasion de réfléchir aux points centraux de notre vie terrestre, rien
moins. Lisez-le, parcourez-le, goûtez-le et parlez-en !
Ce livre est publié par Nuage Vert et vendu 18 euros en version papier (achetable sur lulu.com par carte bancaire) :
https://www.lulu.com/fr/shop/laurent-gervereau-and-marc-dufumier/réconcilier-nature-et-culture/paperback/product-q8my2y.html?page=1&pageSize=4
et 10 euros en version électronique
(226 pages)
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Ouvrir les yeux et la pensée
On tremble désormais à l’idée de prononcer certains mots comme
« élevage », « vegan », « pesticide », « écologie »… Nous préparons-nous
à des sociétés de guerre civile entre productivistes et apôtres de la
préservation ?
Voici un livre qui ose aborder toutes ces thématiques en dessinant
les pistes de sociétés de l’échange et du respect des différences. Il est plus que temps de travailler, non pas contre, mais ensemble pour s’adapter aux défis de l’époque en changeant l’échelle de nos pensées et de nos actes.
Ce livre très riche par deux auteurs à la compétence indiscutable
vous offre des repères sur beaucoup de questions, dont une histoire
longue de l’écologie. Il vous explique aussi en quoi, en temps de pandémie ou en temps « normal », nous devons devenir Terristes.
Une lecture indispensable !
Marc Dufumier est agronome, professeur honoraire à AgroParisTech,
et président de la Fondation René Dumont. Il est membre du comité
scientifique de la Fondation Nicolas Hulot
Laurent Gervereau est vice-président de la Fondation René Dumont
et président de Nuage Vert – musée mobile Vallée de la Dordogne. Il a
fondé en 2005 à AgroParisTech le Musée du Vivant (premier musée
international sur l’écologie) et co-préside le CIRE (Centre
Interdisciplinaire de Recherches sur l’Ecologie)
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Sommaire du livre :
Choc des égoïsmes ou complémentarité des points de vue ? La diversité, ça s’apprend
Agriculture et écologie
Chasse, pêche et biodiversité
Agriculture et alimentation
Agriculture et biodiversité
Elevage et véganisme
Naturel et culturel
Le défi éducatif : un enjeu de dialogue planétaire
Retour au local pour penser global : devenir« Terriste »
Pour une éducation environnementale
Références bibliographiques
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15 : 02 : 21 |
Présentfutur ou passéprésent ? |
Présentfutur ou passéprésent ?
Les humains ont souvent des problèmes de conjugaison des temps.
Personne, pas même ceux qui sont appelés les "animaux", ne vivent au
présent-présent. Nous débordons dans la mémoire expérimentale du passé
ou la projection future de nos actions. Le vivant étant mouvement
s'inscrit --oui-- décidément dans le temps.
Pour autant, notre conscience présente est souvent pervertie par trop
d'incidences temporelles qui nous empêchent de nous déterminer par
rapport à ce que nous vivons au présentprésent.
Actuellement, beaucoup sur la planète sont entrés en dystopie. Et, au
lieu de chercher des solutions pour inventer un présentfutur désirable,
nous nous maintenons dans un torticolis rétro que je dénonce en vain
depuis longtemps. Il nous pourrit l'existence et empêche toute solution
dans un concours victimaire dont le news market se repaît.
N'est-il pas temps de vivre
un peu au présentfutur ? De regarder de façon pragmatique quelles en
sont les solutions locales et globales ? De cesser de croire prétendre
réparer le passé d'inégalités, de crimes, d'ostracismes pour inventer
les conditions d'une existence harmonieuse avec notre environnement en
paix ?
Les guerres des classes,
des sexes, des communautés, des religions sont délétères pour tout le
monde. Penser présentfutur n'est pas oublier les déséquilibres
financiers abyssaux ou les précarisations ou les pollutions, c'est au
contraire tenter de voir pratiquement et immédiatement comment se
construire soi, sur quelles valeurs et dans quels rapports avec
l'environnement. C'est repenser toutes nos attitudes individuelles et
collectives. C'est être singulier-pluriel dans ce présentfutur.
Parler de projet plutôt que
de rejet. Regarder la mort en face pour justement mieux vivre. Cesser
de croire béatement à l'assurance-tout-risque, à la technologie-bonheur,
au prêt-à-penser.
Nous vivons en dystopie,
alors n'inventons pas des guerres contre l'environnement ou des utopies
délétères (ces humains proliférants qui veulent ordonner la "nature"
pour une vie "parfaite"). Mais
défendons la vie avec sa relativité, ses précarités, ses
interdépendances, ses plaisirs.
Oui, tournons-nous vers le présentfutur de façon locale-globale et terriste.
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