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19 : 02 : 10 |
Le nouveau négationnisme |
Ouvrons les vrais débats. D'accord ou pas d'accord, un regard plurofuturo à diffuser :
A la fin du XXe siècle, quelques-uns, sous des dehors scientifiques et accompagnés par une cohorte de paranoïaques imbibés de théories du complot, visèrent à nier l'extermination des juifs par les nazis. Ils s'engouffrèrent dans les excès et approximations médiatiques de personnes qui n'avaient ni vécu les événements, ni étudié précisément leur histoire. La mauvaise réaction française fut d'excommunier, d'interdire, ce qui renforça le sentiment de vérité impossible à dire.
Lorsqu'en 1995, nous réalisâmes avec François Bédarida une exposition sur le système concentrationnaire nazi, nous décidâmes, en plein accord avec toutes les associations de déportés, de dire les faits vérifiés : tous les camps n'étaient pas des camps d'extermination et n'avaient pas de chambre à gaz ; de la correspondance pouvait s'envoyer de camp à camp ; les situations matérielles changèrent notablement entre les années 1930 et 1945 ; des chiffres avaient été exagérés... De toute façon, l'horreur patente fut telle et la volonté planifiée (expliquée clairement déjà dans Mein Kampf) d'apporter la "solution finale de la question juive" avérée, qu'il était inutile et nocif de ne pas être précis.
Aujourd'hui, rebelotte. La vague écolo fait des esprits chagrins. Dans ces colonnes, contre la religion écologiste, nous défendons une écologie critique, évoluant, scientifique et expérimentale. Mais la conjugaison d'erreurs du GIEC, d'incertitudes scientifiques normales, de jalousies de chapelles et d'intérêts (lourds comme le pétrole) contrariés, organisent un révisionnisme médiatique.
Pour le contrer, là encore, l'interdiction serait stupide et contre-productive. Le catastrophisme, l'appel à l'Apocalypse façon hululements du planeur photographe, font jeter le bébé avec l'eau du bain, puisqu'il est facile d'en montrer sur des points précis les exagérations et les incertitudes.
Alors, la question fondamentale n'est pas celle des doutes climatiques, mais ce qui s'observe partout (photo de pollution atmosphérique à Bombay) : les pollutions galopantes des terres, de l'air et de l'eau. Notamment à cause du pétrole et de son dérivé le plastique. La poubelle Terre tue. Et la production de masse, loin d'apporter des bienfaits, acculture et fait régresser la qualité du vivre-en-commun. C'est donc un aggiornamento planétaire qui est nécessaire, n'aboutissant à aucun modèle d'ensemble, mais des décisions drastiques de sauvegarde collective et une infinité de choix individuels et collectifs locaux : repenser la différenciation.
La réponse aux négationnistes écologiques est double : d'abord chercher d'où ils parlent et les intérêts inavouables qu'ils défendent ; ensuite, ne pas s'empêtrer sur la question du climat, quand la pollution tangible tue tous les jours et salit l'ensemble du globe.
Rappelons alors, pour éviter les amalgames pernicieux, que chaque phénomène historique est spécifique, unique. Seuls des parallèles peuvent s'établir. Donc. Oui, Hitler a voulu exterminer les juifs dans un régime basé sur le racisme. Oui, les activités humaines depuis le XIXe siècle ont transformé radicalement l'aspect et le contenu de la planète : flore, faune, minéraux, air, liquides, humains.
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17 : 02 : 10 |
Erro et la circulation planétaire des images |
Il faut rire. Alors, nous rions. Trois colosses façon première ligne de rugby, comme dit Erro. Mais Erro est fatigué. Comment exprimer l'affection que nous lui portons --homme admirable et généreux-- mon ami Hans-Joachim Neyer, qui monta la grande exposition itinérante de Hanovre, et moi-même ?
Allez massivement voir l'extraordinaire donation de collages faite au Centre Pompidou, subtilement choisie par Christian Briend. Ce sont ces collages réalisés dans une fièvre automatique qui sont au coeur de la création de cet immense artiste, souverainement indépendant, et qui a compris avant les autres l'absurdité de la guerre froide et le vertige de la circulation planétaire des images.
J'ai failli, durant un vernissage bondé, faire un grave incident diplomatique. En effet, d'un seul coup, une espèce de criquet agité me bouscule violemment, à tel point que j'ai failli écraser l'insecte contre le mur en réaction de défense. Quelle ne fut pas ma surprise quand je m'aperçus qu'il s'agissait d'une autorité locale... Les temps sont médiocres.
L'exposition aurait décemment mérité le double de place pour faire respirer les oeuvres. Quand un établissement reçoit un pareil ensemble d'un créateur aussi important, cela s'imposait. L'ouvrage, en revanche, est très bien conçu (pas juste parce que j'y ai commis un article).
Et, avec Jean-Jacques (Lebel), qui était probablement le visiteur le plus légitime dans ce brouhaha, parce que c'est lui qui a accueilli Erro à son arrivée à Paris il y a cinquante ans pour lui faire découvrir "celles et ceux qui bougeaient", nous avons devisé. En pensant d'abord à notre amie Laurence, dont le drame ne nous quitte pas. En observant banalement ces pingouins occupés de tout sauf des oeuvres, récupérateurs imbéciles de succès dont ils ne comprennent rien. En étant jubilatoires devant la fulgurance prometteuse des collages les plus anciens.
Erro, pudique et volontaire, nous t'aimons et t'admirons profondément.
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11 : 02 : 10 |
L'ordre psychique |
Se faire convoquer en 2010 par un psy dans une crèche pour un enfant en pleine forme de 2 ans et demi ! Dans quelle société sommes-nous ? Après les flics du corps et leurs pilules de perlimpinpin, les flics de l'esprit. Il faut être normé, pas de caractère entier, pas de colère, pas de passions...
Les sociétés occidentales --et notamment la société française-- traversent une mauvaise passe. C'est la déresponsabilisation totale, l'assistanat général pour consommateurs passifs. Le psy est le prêtre obligé des institutions laïques. Au nom de quoi ce parasite payé par l'impôt collectif existe-t-il ? Pour distiller des crétineries de comptoir destinées à destabiliser les mères ? Si quelqu'un souhaite consulter, cela relève du domaine privé.
Voilà donc un signe de plus de la normalisation en cours. On veut faire des clones dociles. Après le politically correct qui masque le retour violent de la censure, les psys en crèche !
Le phénomène n'est pas isolé, dans les dérives charriées par ce sale "politically correct", cette gouvernance d'affichage démagogique. Ainsi, une loi veut condamner le "harcèlement psychologique dans le couple". Faut-il que nos sociétés soient malades pour pareilles dérives. Jadis, on riait grassement des femmes battues en disant qu'elles l'avaient mérité ou qu'elles aimaient cela. Notons que l'acte même serait aberrant pour la société laotienne, par exemple. Dans nos pays, que je sache, battre --parfois jusqu'à la mort-- qui que ce soit est gravement condamnable. Bon, on renforce les mesures afin de stigmatiser un interdit particulier. Pour faire signe. C'est salutaire. Mais assortir cela subrepticement de mesures sur le harcèlement psychologique (3 ans de prison et 75 000 euros d'amende...) en dit long concernant nos dérives.
Qui va juger du harcèlement ? Les couples vont vivre maintenant avec avocats et huissiers à demeure ? Chacun installera des caméras-témoins ? Déjà, l'épidémie de séparations avec enfant crée des imbroglios destructeurs, des cancers mentaux de longue durée. La judiciarisation kafkaïenne franchit un pas de plus, avec le risque du mensonge absolu pour faire chanter quelqu'un, s'en débarrasser ou se venger.
Disons-le, les psys et les avocats --gangrène proliférante et intéressée-- sont l'expression même de la déresponsabilisation des individus et de la destructuration de notre pacte social (la dépression collective française décrite en 2010 par le rapport Delevoye). N'en rajoutons pas une couche.
Regardons ailleurs. Ayons la modestie de nous apercevoir que d'autres civilisations fonctionnent mieux, que notre modèle est pervers et usé, que nous construisons une grande maison de retraite pour grabataires râleurs, que nous ne savons que bourrer de vieilleries rétros nos jeunes et leur parler de peur, que nous sommes terrorisés et repliés au lieu de profiter de la grande chance d'un monde de circulations et d'échanges.
De plus, sachez que c'est par l'accident et par la transgression que les sociétés avancent et innovent. Refusons l'esclavage psychique déjà suffisamment organisé par la crétinerie télévisuelle.
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06 : 02 : 10 |
Principe de précaution, principe de lâcheté |
Ouvrons les perspectives. Permettons de vrais débats. D'accord ou pas d'accord, voilà un regard plurofuturo à citer, à diffuser :
Pourquoi donc la France est-elle allée inscrire le principe de précaution dans sa constitution ? Ce pays, ayant si peu confiance dans ses habitants et dirigeants, passe son temps à légiférer pour ensuite se prendre les pieds dans le tapis (voir tous les lobbies communautaires).
Alors il faut se protéger contre tout et, les tempêtes pouvant advenir, les arbres sont en survie. Principe de précaution, principe de lâcheté, absurdité du risque zéro, culte de la normalité. Notre société entretient l'individu dans l'idéologie de la durée et l'illusion de la protection. La lâcheté interdit d'affirmer que l'accident est aussi normal que son contraire, que la catastrophe n'a pas forcément des responsables, que c'est à l'individu de se battre pour sa survie. Les habitants d'Haïti furent des modèles de dignité à cet égard.
Sans compter la gabegie bouffonne du H1N1. Pourquoi n'avoir pas fait le même cirque pour la grippe "normale", qui tue aussi ? Pendant ce temps, l'épidémie de cancers continue, la pollution de l'air, l'usage des matières plastiques...
Il faut se protéger et normer : beaucoup de médecins, de psys, d'économistes et de juges ont perdu et la raison et le sens commun. Ils parlent des langues étrangères. Echappons-nous de cet asile moyen, de la survie, où des jeunes Français râlocheurs à 25 ans comptent leurs points de retraite et s'ils peuvent travailler 10 minutes de moins par jour, anesthésiés de la vie... Vivons et crevons sans faire chier des générations de garde-malades. Un peu de dignité. Un peu d'exigence. Un peu de lucidité.
Peur. Peur de tout. Aucun risque. On s'étouffe pourtant aussi au lit ! Le principe de précaution est ainsi appliqué avec excès et sans logique (pas d'interdiction des biberons en plastique). S'il s'agit d'empêcher les OGM, un simple principe de prudence au coup par coup suffit (en quoi avons-nous besoin des produits Monsanto ?). Je pars en voiture à travers l'Inde en acceptant d'y mourir sans rien faire pour, mais ici aussi la mort me guette. J'ai appelé cela une conception du fatalisme dynamique.
Les options collectives doivent de toute façon permettre des débats. En plaçant l'individu éclairé devant des choix. Maintenons des parcs arborés en centre ville, au nom de risques bien compris. Supprimons en revanche les émissions du pétrole au nom d'un principe de prudence et une réflexion basique d'agrément.
Plurofuturo, pensée prospective. Cela consiste alors à la fois en certains principes de vigilance, le choix averti du risque; balancés avec la réévaluation de la responsabilité individuelle et de la volonté. Mais en tout cas pas l'absurdité de l'assurance universelle du principe de précaution et la lâcheté individuelle organisée dans la compétition médiatique à la victimisation.
Supprimons la mauvaise odeur de moisi qui règne ici.
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06 : 02 : 10 |
israelopalestinia : penser au-delà |
Ouvrons les perspectives. Permettons de vrais débats. D'accord ou pas d'accord, voilà un regard plurofuturo à citer, à diffuser :
Mémoire, certes. La table rase et l'oubli total ne sont pas des réactions saines, souvent louches. Mais besoin d'histoire aussi pour ne pas être juste Fabrice à la bataille de Waterloo et comprendre les enjeux plus vastes. Mais aussi la nécessité aujourd'hui de ne pas rester englué dans la boue d'hier : pensée plurofuturo.
Pour prendre une zone terrestre nocivement surmédiatisée, regardons Israelopalestinia (c'est ainsi qu'il faut nommer prospectivement cette zone : vous verrez, le regard change ipso-facto). De fait, la majorité des Israelopalestiniens révèrent aujourd'hui le même Dieu. Ils ne peuvent oublier les horreurs de leur guerre civile. Et il ne faut pas oublier --exercice artificiel. Pardonner non plus (pourquoi ?). Mais penser au-delà, penser plurofuturo, songer, après des querelles fratricides, à une vie commune et à une cité internationale : Jérusalem. Voilà ce qu'est le plurofuturo : réinventer un avenir dans un sens pluraliste, sans rien cacher. Petit chemin de scarabée dans le désert.
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30 : 01 : 10 |
Burqa de Nouvel An |
Ouvrons les perspectives. Permettons de vrais débats. D'accord ou pas d'accord, voilà un regard pluro-futuro à citer, à diffuser :
Quand nous voulons raisonner sur une question délicate, souvent seule la méthode comparative parvient à nous éclairer. C'est par la comparaison que nous remettons les choses à leur place ou grâce à la mise en évidence du principe dans sa nudité (par exemple, le principe d'inégalité des chances absolu que recèle l'héritage).
Pour le piège mental que constitue la burqa, il en est de même. On peut en effet partir d'une règle simple qui est celle de la liberté individuelle et militer pour foutre la paix à ces femmes --d'autant plus si elles sont marginales-- au nom de la défense de la diversité. On peut également considérer que cette liberté est un prosélytisme de fait pour une pratique qui contrevient aux moeurs communes européennes et à la façon dont les femmes sont considérées sur ce continent dans notre pacte tacite du vivre-en-commun.
Voilà pourquoi je propose de créer un nouveau mouvement (une foi ?) : les ZZ, les "Zélateurs de Zorro" qui se promènent toujours en dehors de chez eux dans leur tenue masquée favorite de redresseurs de torts. Passé le rire éventuel (insulte pourtant à leur croyance en Zorro --bientôt réprimé par la loi ?) et l'étonnement, ne se feraient-ils pas arrêter en France par la police et interdire de toute démarche officielle ? En Arabie saoudite, leur sort risquerait d'être pire pour finir par croupir dans des geôles.
Cela veut-il dire que les femmes masquées soient aussi persécutées que les ZZ ? Non, puisqu'elles peuvent circuler sans difficulté dans nombre de pays à majorité musulmane, alors qu'il faudrait de longs combats pour que les ZZ aient facilement droit de cité déjà chez nous.
Cela nous conduit à penser une planète relative où les habitudes sociales et les vêtements ne soient pas partout les mêmes, qui ne s'uniformise pas. Cette planète devrait fonctionner --je l'ai écrit-- sur un pacte moral minimal évolutif (par exemple l'interdiction générale de patiques cruelles comme l'excision) et des variantes locales (à condition qu'elles ne soient pas imposées à toutes et tous). Dans ce sens, si chacun s'habille comme il veut chez soi ou dans des lieux de culte, c'est à dire dans des espaces privés, il peut être concevable d\'interdire la burqa et les tenues de Zorro dans la rue et les administrations en France ou en Europe.
Alors, au Nouvel An, battus par les vents des îles bretonnes, repus et au chaud, riant avec Medi et Alexandra, le dessinateur Willem et moi-même avons joué aux justiciers masqués, dans un incognito gagné parce que personne ne se doutait que nous portions notre burqa.
Conséquence adjacente, le champagne a fait exploser pour des semaines tous les barêmes rationnels de mes analyses, tandis que je pense maintenant à chaque instant à mon amie Laurence Bertrand Dorléac qui vit l'horreur.
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29 : 01 : 10 |
Réinventer l'avenir ! |
(avec un clin d'oeil amical à Aminata Traoré à Bamako)
Deux signes doivent nous alerter : l’Appel pour une République multiculturelle et postraciale ; le lancement de l’année Utopies & Innovations. La France serait-elle enfin apte à sortir de son torticolis passéiste et de penser le monde en transformations, de laisser émerger des générations nouvelles, de permettre des lectures prospectives des événements ?
Il serait temps. Cela permettrait de donner un autre sens à nos débats récents autour de l’histoire, la mémoire, l’identité. En effet, ayant circulé au Laos, en Mongolie, au Japon, au Mali et en Inde, les controverses sur l’identité nationale, le musée d’histoire de France ou la suppression (sectorielle) de l’enseignement de l’histoire, paraissent vraiment étranges. Des contrées aux peuplements composites et à la grande diversité de langues comme l’Inde ou le Mali ne se les posent pas. Des pays d’immigration, telle la Nouvelle-Zélande (où les Maoris sont eux aussi des immigrés tardifs), vivent en tournant leur regard vers l’avenir.
L’histoire est partout, quand elle se voit contestée et canalisée par des « barrières mémorielles ». Pourtant, comment pouvons-nous vivre et choisir sans connaissance du passé collectif ? Et n’est-il pas temps, comme ailleurs dans le monde, d’avoir une vision prospective de ce passé ?
Connaître le local et accepter la multidiversité en mouvement
Lorsque beaucoup tentent d’instrumentaliser le passé avec le devoir de mémoire, qui est de fait souvent l’affrontement des mémoires, il devient urgent de proclamer un besoin d’histoire général. Cette histoire ne doit cependant pas être une reconstitution à posteriori du chant national mêlant rois et dirigeants, ni la glorification de l’émancipation du peuple, ni une succession de repentirs anachroniques. Le Mallet et Isaac est mort, comme la geste communiste. L’histoire est une reconstruction problématique du passé.
Sur quelle base ? Le travail historique n’échappe évidemment pas aux demandes sociales et aux modes intellectuelles. L’urgence actuelle semble constituée d’abord par le besoin de chronologie longue car tout s’accumule avec la même actualité sur les écrans. La seule réponse logique et légitime devient celle d’une histoire-territoire. Le territoire national actuel possède en effet une histoire longue. Qui pourra contester que chaque individu passant sur ce territoire ou habitant ce territoire n’ait utilité à savoir son passé ? Il peut être rappelé, depuis les premiers peuplements humains, en grandes étapes jusqu’à aujourd’hui. Constatons-le, tout autre démarrage chronologique (Gaulois, Romains, Francs…) prêterait à contestation comme une option idéologique.
De ce fait, la chronologie longue conduira inévitablement à traiter des variantes locales (l’histoire de ma ville et ses spécificités) et de grands mouvements européens et mondiaux (Rome excède le territoire national). Cette histoire-territoire se projette ainsi du local au global. Les explorations et les colonisations le nécessitent quand la France aujourd’hui résonne territorialement sur plusieurs continents et que le français se parle dans un nombre de pays conséquent dans le monde (voir Haïti).
L’histoire-territoire ne peut donc être qu’une histoire stratifiée. Elle se complète naturellement par des repères concernant l’évolution longue de chaque continent. Qui niera aujourd’hui, à l’heure du commerce globalisé, le caractère indispensable de notions sur l’histoire longue de la Chine, de l’Inde, des différentes parties de l’Afrique ou de l’Amérique, de l’Australie ? Nos enfants, quels qu’ils soient, doivent bénéficier de ces repères, aptes, de plus, à encourager les échanges dans les classes et à les souder dans un contexte de multidiversité en mouvement.
Au Mali, en pays dogon, l’enseignement démarre en dogon avec des récits locaux, puis il s’ouvre au national et à l’international, apprenant aux enfants des savoirs universels et l’histoire d’autres continents (France et Europe, par exemple). Cette histoire stratifiée, du local au global, est ainsi indispensable partout sur la planète.
Elle participe d’un combat du savoir fondamental. La manipulation des individus, leur esclavage mental ou physique, sont en effet portés par l’ignorance et l’acculturation. Il faut alors impérativement défendre les savoirs locaux, les cultures et langues en perdition, en les associant à des outils de compréhension plus large.
Besoin d’histoire, oui, ici et partout, pour construire une planète diverse et solidaire. La relativité est là : émiettement et forum planétaire.
Identités imbriquées et sociétés des spectateurs-acteurs
Mais comment propager cette histoire ? Quels outils ? Pour quels effets ?
Je l’ai démontré depuis trente ans à travers de nombreux ouvrages (L’homme planétaire ou Pour une philosophie de la relativité), nos identités sont imbriquées. Elles sont liées à un passé variable suivant les individus et des influences de croyance et de goût : être catalan, espagnol, juif, passionné de culture japonaise et pratiquant intensivement le tennis. C’est justement parce que ces identités sont imbriquées que le fait de recevoir dans l’éducation des repères sur le passé local et global devient de plus en plus important.
Dans un contexte multiculturel et postracial ? Certes. Mais qui ne signifie pas pour autant le brouillage du sens et l’uniformisation générale. Par la connaissance, par des connaissances du local au global, l’individu doit pouvoir choisir et changer, bâtir localement en prenant des solutions singulières et parler mondialement en triant entre le rétro et le futuro, en expérimentant toujours dans une conception de l’histoire perpétuellement évolutionniste. Ce singulier-pluriel permet de comprendre des enjeux planétaires et de diversifier les diversités sans imposer de « moules » figés. C’est la lutte de celles et ceux qui veulent la pluralité de modèles en mouvement et les tenants d’un système unique bloqué. Notre temps, qui n’est plus la société du spectacle avec télévision unique à consommer passivement mais les sociétés des spectateurs-acteurs en réseau, le permet.
Voilà pourquoi il est difficile, par exemple, de comprendre l’hostilité à la création d’un musée d’histoire de France. Certes, le nom de Maison d’histoire en France lèverait toutes les équivoques. Mais pouvons-nous critiquer une initiative sans en connaître le contenu, alors que nos voisins allemands ont paisiblement ouvert le Deutsches Historisches Museum à Berlin ? Est-il illégitime de donner à chacune et à chacun à la fois des repères chronologiques concernant l’aventure humaine de son territoire et d’interroger toutes ses correspondances avec le reste du monde ? Vaut-il mieux multiplier des musées spécifiques, au risque de l’instrumentalisation, qui n’auraient aucun lieu de synthèse ?
D’autant qu’associant les musées français et travaillant avec des institutions internationales, un tel lieu pourrait utilement devenir une tête de réseau (rappelons que notre pays a porté l’Association internationale des musées d’histoire, le Conseil européen et le Conseil français des musées d’histoire). Il permettrait de plus d’aider à valoriser la recherche française –notre pays a toujours été en pointe dans ce domaine--, jusque dans ses aspects novateurs (l’histoire culturelle ou l’histoire du visuel), en l’associant à la recherche internationale. C’est en effet un nouveau souffle qui est nécessaire aujourd’hui, tant concernant les objets d’études, que l’appel au comparatisme et aux travaux sur les circulations, confrontations, influences. Dans ce cadre, la construction du niveau national sera un aspect essentiel, mais replacé naturellement en rapport avec des histoires locales, continentales et mondiales. Nous comprendrons mieux nos spécificités, les fondements de notre vivre-en-commun et les messages universalistes que ce pays a pu porter et --souhaitons-le-- porte encore.
Le besoin d’histoire s’avère en effet d’autant plus patent que nous vivons une crise de l’ethnologie, du moins dans ses formes les plus décalées du contemporain. Certes, la mise à plat anthropologique des structures sociales a eu le mérite de briser la barrière hiérarchique entre Europe et reste du monde (souvent colonisateur et colonisé), en faisant comprendre la relativité des situations sur chaque continent et en commençant à imposer un respect mutuel. Mais actuellement, du Mali ou du Brésil, des voix s’élèvent pour faire comprendre que cette démarche a eu aussi l'inconvénient de figer le regard sur les sociétés d’autres continents (ou d’ailleurs les campagnes européennes). Partout, il importe alors d’affirmer que ces peuples ont une histoire, bien antérieure à leurs premiers contacts avec les Européens et qu’ils continuent à évoluer considérablement au temps du téléphone portable en pays dogon islamisé. Autant l’écologie culturelle devient fondamentale pour défendre les diversités, autant il est inadmissible d’enfermer des territoires entiers dans une sorte d’Age d’or folklorique factice --pour les villages français ou les Bambaras. L’histoire-territoire longue devient nécessaire partout.
Pour toutes ces raisons, à l’heure où des signes annoncent un réveil salutaire, le besoin d’histoire doit mobiliser de nouveaux outils et aider à bâtir des travaux historiques qui aident à la fois à connaître le passé long, mais aussi à mieux discerner le monde d’aujourd’hui en mutation profonde. Voilà ce qui pourra lutter le mieux contre les dangers d’uniformisation planétaire par une consommation acculturée de pacotilles. Oui, de plus en plus, nous avons besoin d’histoire pour exister, choisir, nous définir. D’une histoire qui transforme ses outils et ouvre ses champs d’étude. D’une histoire promue par des lieux et des échanges inédits.
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14 : 01 : 10 |
inutilité médiatique et propagande caritative |
[écrit à "chaud" le 14 janvier 2010, cet article d'humeur a plutôt été confirmé par les faits]
Ouvrons les perspectives. Permettons de vrais débats. D'accord ou pas d'accord, voilà un regard pluro-futuro à citer, à diffuser :
Haïti, comme toutes les catastrophes à venir (et passées, tel le tremblement de terre en Algérie où j'étais en 2003), ne peut que susciter de l'émotion et de l'empathie pour une population tellement accablée par des épreuves successives.
C'est dit et c'est beaucoup. Du point de vue de l'information, nous savons que les journalistes vont arriver en retard. Ils n'auront rien à nous apprendre sinon radoter sur les souffrances et hurler à chaque réplique pour maintenir le suspens, susciter le lacrimal et la colère, attendre des émeutes et des pillages. Ils lutteront contre la sagesse immémoriale des peuples, celle qui rejoint le constat scientifique : la catastrophe est aussi plausible que la non-catastrophe. Disons-le, qu'ils restent chez eux, cela fera des économies et imposera une règle de décence face à la compétition et aux surenchères du news market.
Du côté des organisations internationales, nul doute que leurs interventions sont nécessaires, car tout manque et tout est déstructuré. Mais nous allons assister à un ballet politique où chacun vient se montrer sans grande cohérence pour étaler son logo dans une surenchère indécente et inefficace. Il vaudrait mieux que l'ONU (ou autre organisme plus opérationnel) analyse vite les besoins d'urgence, puis ceux sur le long terme. Ensuite, les organisations les mieux adaptées seraient associés en fonction de cette analyse. Les autres resteraient chez elles.
Enfin, de quoi pourraient nous parler les médias ? Probablement de l'histoire longue d'Haïti, pas comme un pis-aller au manque de matière du sensationnalisme. Oui (voir le "regard" précédent), nous avons besoin d'histoire, d'une histoire du local au global, d'une histoire qui nous explique nos liens avec Haïti.
Les médias pourraient aussi nous parler du futur, de l'après désolation, de la réorganisation nécessaire pour que ce pays puisse disposer d'une économie autre qu'assistée-détournée par prévarication, pour saisir les questions écologiques à bras le corps, pour permettre la vie et le rayonnement d'intellectuels et d'artistes auxquels seul souvent l'exil devient le moyen de la survie.
Il n'existe pas de malédiction haïtienne.
Cependant, je détesterais qu'une telle réflexion aboutisse à une condamnation banale des médias, de l'aide internationale ou de l'écologie. Précisons alors les vrais combats à mener : pas de polarisation médiatique mais défense de la diversité médiatique, pas d'hystérie de l'écologisme mais une écologie critique, pas de religion caritative mais des aides pragmatiques évaluées.
Et puis, en ces moments, je pense à Hervé Télémaque.
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08 : 01 : 10 |
Rétromonos contre plurofuturos ! |
Les bouleversements provoquent des raidissements. Au XXIe siècle, la France s'agrippe à la panoplie nationale du XIXe siècle, en oubliant les messages universalistes de la fin du XVIIIe. De quoi a-t-on peur ? De la pluralité ? Et est-on moins français quand on s'active du local au global ?
Partout, l'avancée des idées incite à défendre les pluralistes contre les monomaniaques. Non, nous ne voulons pas un monde uniforme mais un monde pluriel. Non, la nation ne résume nullement une aventure collective nommée France --ce qui fait rire quand ce surnationalisme est porté par des descendants d'immigrés ou issus d'autres territoires. Non, les transformations de la vie quotidienne ne doivent et ne peuvent être uniques, ni l'écologie écarter la critique, ni les relations mondiales oublier les pensées variées. Non, la production capitaliste standardisée ne peut demeurer un modèle unique face à ses échecs moraux et environnementaux, quand les situations multiples appellent des évolutions diversifiées. Non le "progrès" n'existe pas, quand il s'agit d'une notion relative sans modèle unique ni histoire arrêtée, à évaluer constamment à partir de partout (renverser et mixer les points de vue), et à inscrire dans des co-évolutions diversifiées au sein de mouvements perpétuels. Non, l'idée d'une religion unique n'est nullement tolérable, sans l'acceptation du refus de la religion ou de croyances différentes. Non, l'hygiénisme et l'idéologie de la durée ne sont nullement valables, quand chacun, par la connaissance, doit pouvoir choisir ses comportements --et changer.
Le pluralisme est un message d'avenir et un combat à mener sans relâche, par-delà la vanité de chicaneries obsolètes. Voilà le grand enjeu du futur.
Suivant ce regard inédit et notre nouvel esperanto en "o", il va falloir raconter la saga des monos contre les pluros, comme d'ailleurs celle des rétros contre les futuros (allez voir les résultats de 30 ans de réflexions sur ces sujets dans la partie "livres" ou "films") : rétromonos contre plurofuturos...
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30 : 12 : 09 |
! relativo 2010 relativo ! |
En novembre, je sortais de Tombouctou pour plonger dans les dunes du Sahara en guettant les caravanes au soleil couchant. Fin décembre, je hante nuitamment le cimetière de Pont-l'Abbé-d'Arnoult (pays des mojettes en Charente) et m'éblouis au mot de "TEMBOCTOU" sur la stèle de René Caillié.
Nous entrons dans une année "relativo", une année du local-global, une année où il va enfin falloir que les médias généraux brisent leur banquise et rendent compte de tout ce qui émerge. Pensée relativo, philosophie du relatif. Partout, des expressions variées apparaissent qui se sont emparées des techniques nouvelles. Avec les "0" de cette année à mammelons, allons donc nous amuser à lancer des mots rollers, des mots motos, des mots culbuto : rétro-futuro, singulo-pluro, ecolo critico, cinema-espresso...
Relativo, relativo, faisons foisonner les idées, au diable les slogans uniques au temps des spectateurs-acteurs partout : comparatisme, histoire stratifiée, évolutions diversifiées, identités imbriquées. Bientôt, nous irons à Tombouctou sur la tombe d'un Peul amateur de mojettes, chroniqueur en ligne de Pont-l'Abbé-d'Arnoult.
Post scriptum. On pourrait probablement appeler la trilogie de livres mis en ligne (Vers une écologie culturelle ; Un monde micro-macro ; Renverser le monde ) : Ici et partout. Trois étapes d'écologie critique pour planète mutante. Elle explique l'environnement au sens large, nos évolutions perpétuelles et le refus d'une norme, fût-elle idéale. Pas de planète globalisée, une planète relative, à la fois diverse et solidaire.
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