Un ministère des
cultures :
une politique de la
diversité et des repères
pour porter
le local vers le mondial
[ce texte est à faire circuler, soutenez-le sur ce site, envoyez-le aux candidats à la présidentielle]
La crise ? La crise ? Cela fait depuis 1973 que
nous en entendons parler, soit presque 40 ans. La litanie, depuis cette date,
fut celle de l’impuissance : puisque c’est la crise, ne bougeons rien,
terrons-nous frileusement pour essayer de passer entre les gouttes. Et si, au
contraire, il s’agissait de l’occasion d’une formidable mutation sur les deux aspects
fondamentaux aujourd’hui : la justice et le développement durable ?
Et s’il s’agissait du moment adéquat pour mobiliser les énergies en repensant
les modes de vie ? Et si la culture –les cultures—avait un rôle essentiel
à jouer dans ces métamorphoses planétaires ?
La crise :
une chance ? Le grand réveil
L’argent rare est probablement l’occasion de réfléchir,
d’une part à sa répartition, d’autre part au fait que les rapports humains sont
basés sur beaucoup d’actes non monétaires et que cette polarisation mercantile
est néfaste en ignorant des plus-values considérables d’une autre nature. Nous
mesurons trop et nous mesurons mal.
La crise, l’argent raréfié, sont justement l’occasion de
penser et mettre en œuvre des organisations différentes dans tous les domaines.
D’abord –tous les candidats l’affirment, mais pour quels effets ?-- jouer
cartes sur table en repensant une fiscalité juste. Ensuite, en définissant des
priorités et des objectifs pour l’emploi de l’argent public. C’est l’occasion
de conforter un Etat efficace,
redevable devant tous, d’autant qu’il est le fruit des efforts collectifs.
C’est aussi le moment de repenser le tissu général des
entreprises, d’organiser les consommateurs-acteurs, d’inciter à l’éthique, à la
redistribution interne des bénéfices, à des réflexes de défense des productions
locales. Le retour au local –un local
aux prises avec le monde, en aucun cas fermé—est la base d’une redynamisation
des énergies citoyennes, car chacune et chacun peut agir sur l’univers
directement visible, sur ce qui l’entoure. Il est temps de penser, non pas une
rétro-croissance mais des croissances diversifiées suivant les lieux (de même
qu’il convient aussi de penser des agricultures diversifiées). Les processus
coopératifs ou mutualistes devraient retrouver une forte actualité. C’est ce
que SEE (les socio-écolos : www.see-socioecolo.com) a développé.
Citons quelques exemples d’objectifs urgents dans cette
reconstruction de nos liens sociaux. D’abord, briser la dichotomie
travail/loisirs comme s’il y avait un Enfer d’un côté et un Paradis de l’autre.
Il est possible de revoir partout l’organisation des tâches pour supprimer les
travaux uniquement pénibles physiquement ou psychologiquement. Aux syndicats de
s’atteler à cette tâche prioritaire qui pèse sur la vie quotidienne de chacun.
Disons-le : le travail peut être un outil d’épanouissement, d’évolution,
de connaissance.
Ensuite, il existe une question générationnelle
désormais, entre des jeunes dans le système éducatif, des jeunes à la recherche
d’un travail, des adultes au travail, des adultes sans travail, des retraités
en pleine possession de leurs moyens physiques et mentaux, des retraités en
longue maladie ou en phase terminale d’une vie très longue. Il faut penser la conjugaison des générations et l’utilité
sociale de chacune et chacun.
Tout cela correspond à un grand réveil collectif nécessaire, dépassant des antagonismes périmés
pour inventer de nouvelles voies au vivre en commun, des voies dans lesquelles
toutes et tous se sentent impliqués.
Voyons donc plus précisément comment ce réveil peut s’appliquer aux domaines culturels,
curieusement très absents des programmes, avec une droite sans politique claire
hormis les coupures de crédits et une gauche timorée parce que « c’est mal
vu d’aller arroser d’argent les saltimbanques quand les SDF peuplent les rues
et les classes moyennes tirent la langue ». Je crois que c’est surtout le
fruit de mauvaises habitudes et d’une vision erronée du rôle de la culture dans
nos sociétés, de ce qu’est la formidable plus-value
culturelle, son rôle premier dans le lien social et sa capacité à faire
image et tirer l’économie.
Sortir de
la conception d’une culture-guichet, des faits du Prince et du mépris des
populations
La culture fut un en-soi des civilisations urbaines et pyramidales nées
après la sédentarisation du Néolithique. Elle accompagna le mythe du Progrès et
le rêve prométhéen des humains : l’illusion de dominer la nature. Elle se
développa aussi bien à travers les monuments érigés par les puissants que par
les coutumes populaires (musique, parures, habitats, cérémonies, langages…). Et
la circulation des individus et des objets fut le facteur d’un système
d’influences généralisé qui –quelles que soient les novations—fait qu’il
n’existe pas de civilisation « pure ». Aujourd’hui moins que jamais,
au temps de la circulation planétaire des objets et des images.
Le danger présent est double à cet égard : soit une acculturation
généralisée dans l’uniformisation d’une consommation « moyenne »
passive ; soit l’émiettement communautariste (l’effet « Amish »)
où chacune des communautés veut s’approcher de l’autarcie. Il existe pourtant
une solution qui conjugue les deux nécessités : la localglobalisation, c’est-à-dire la réaffirmation de
l’importance du local et de la singularité individuelle (notre capacité de
choix éclairés grâce à l’éducation à tout âge et d’évolutions), dans un système
d’échanges planétaires.
Désormais, les conceptions évolutionnistes et environnementalistes ont
apporté les notions de relativité –surtout pas de société parfaite—et de
mobilité –le vrai développement est celui des échanges, échanges de biens, mais
échanges de connaissances et de modes de vie. Nos identités imbriquées choisissent et changent. Du coup les codes
culturels, à la fois s’uniformisent avec l’internationalisation des produits
industriels et explosent en une myriade de déclinaisons individuelles.
Le piège d’un ministère de la Culture, tel qu’il est organisé en France,
est d’être devenu un bailleur de fonds arbitre des élégances. Or, la conception
d’un ministère de la Culture-guichet pour clientélisme actif, financeur de
lobbies, est choquante et paralysante pour l’action publique. Ce n’est pas au
ministère de la Culture de décider ce qui est culturel ou ne l’est pas. Son
rôle est d’aider toutes les émergences culturelles. D’autre part, l’argent
public sert bien sûr à pérenniser des métiers et des emplois, mais il peut
aussi soutenir et encourager la diversité. Voilà pourquoi la répartition entre
des actions structurantes et des pôles d’excellence ayant besoin d’une aide
continue et l’autre versant, celui de l’encouragement aux micro-initiatives, à
l’innovation, est à repenser.
L’argent rare signifie l’argent efficace et l’équilibre des dépenses. Le
pire dans ce domaine tient dans la non-visibilité et dans l’inconstance. L’argent
rare –ou pas rare d’ailleurs—suppose l’efficacité et l’impartialité des choix.
La question dépasse d’ailleurs simplement l’aspect financier. Certes, comme le
relève justement Guillaume Cerutti dans la revue Commentaire (n°135), le budget du ministère stagne alors que les
charges augmentent, provoquant la paralysie. Mais le plus grave est le manque
de vision, l’absence de stratégie. J’avais défini trois objectifs jadis pour
réformer (voir Le Monde du 14 janvier
2008). Faisons le point.
Faut-il supprimer le ministère de la Culture ? Cela peut s’envisager
en pensant que les financements deviennent exclusivement locaux, publics ou
privés, ou dans des actions structurantes européennes. Cela s’envisage d’autant
plus aujourd’hui (2011) où il est devenu quasi fantoche en France, où chacun
observe le marasme d’autant que l’ultra-activisme brouillon de la présidence de
la République a nié compétences et expertises. Mais il s’agirait d’un
dépérissement des Etats-Nations tels que le XIXe siècle nous les a légués. En
poursuivant ce raisonnement, la logique voudrait alors que le dialogue
s’instaure entre le local et un système fédéré planétaire. D’une part nous n’y
sommes pas prêts, d’autre part ce serait faire injure aux aspects positifs de
l’Etat-Nation, loin des seuls conflits barbares, des guerres civiles
européennes et des crimes coloniaux. Le rassemblement national, le message
républicain, nous a soudés en luttant contre la barbarie et aussi en portant à
travers le monde un message émancipateur.
Pour autant, il existe trois points qui doivent cesser : la
culture-guichet (nous l’avons évoqué), les faits du Prince et le mépris du
peuple.
Remettre en question la culture-guichet, c’est repenser le tissu
national. Il n’a de sens qu’avec des pôles
d’excellence structurants répartis sur l’ensemble du territoire (généralement
en partenariat avec les collectivités locales) à côté d’un soutien aux
initiatives émergentes. L’Etat doit tenir ce rôle. La survie du message
républicain (contre le retour aux chamailleries picrocholines de duchés
concurrents) passe par un tel élan collectif de clarification. Cela suppose de
dialoguer avec les organisations et les régions pour éviter les redites et les
déséquilibres. Cela permet au ministère de faire un travail de conseil et
d’accompagnement. Des commissions réellement indépendantes et renouvelées (tous
les 2 ou 3 ans) doivent permettre d’éviter les lobbies qui sont juges et
partie : par exemple, faut-il rénover tout le patrimoine au risque de la
disneylandisation des territoires ? Ces commissions sont de deux
natures : des commissions professionnelles spécialisées et des commissions
par tirage au sort dans la population pour des bancs d’essai nécessaires aux
créations émergentes.
Il faut en effet sortir des faits du Prince, au niveau national ou au
niveau local. Non qu’une impulsion soit inutile mais parce que les choix des
Princes doivent être éclairés pour sortir d’une offre parisienne pléthorique et
de caprices provinciaux redondants. Alors, des initiatives comme le Quai Branly
valorisant des collections dispersées dans un projet culturel (même discuté) ou
le centre de la bande dessinée d’Angoulême jouant un rôle pilote sur un support
essentiel, pourront se développer.
Le fait du Prince est lié aussi au mépris du peuple. Cela se traduit par
des initiatives capricieuses et dispendieuses qui ne sont souvent pas des
besoins. Cela se traduit –surtout dans l’époque actuelle—par des nominations à
la tête des établissements de personnes non qualifiés dans un mépris total des
professionnels. Cela se traduit par un rejet grossier des compétences et du
savoir. Cela se traduit enfin par un mépris du peuple, considéré comme ignare,
sans culture et sans désir de culture, autre que dans
la curiosité touristique.
Contre ce dernier point, il faut associer la population –je l’ai indiqué
plus haut—aux décisions concernant les bancs d’essai. Il faut également ne pas
avoir peur de défendre la création locale, ouvrir à toutes les formes de
cultures populaires. Bien sûr, ne pas s’enfermer dans ce critère et inviter des
créateurs nationaux et internationaux car les échanges sont essentiels, mais
défendre résolument aussi les créateurs locaux. A cet égard, la France est un
des rares pays dont les structures publiques sont souvent totalement rétives à
la création locale vue de façon extrêmement péjorative par rapport à d’autres
qui viendraient d’au-delà des océans. C’est ridicule et cela doit cesser.
Comme doivent cesser ces barrières obsolètes entre le « high »
et le « low », barrières à double sens. Il ne s’agit pas de tout
confondre –les expressions ne sont pas de même nature-- mais de tout respecter.
A cet égard, la notion de
« cultures » permet de reconnaître la qualité des créateurs de bandes
dessinées ou de jeux vidéo, comme celle des musiciens classiques, des spectacles
comiques comme la danse contemporaine ou traditionnelle. Cela prend en compte
les identités imbriquées de chacune et chacun et nos goûts hybrides (aimer le
football et la photographie, le rap et la culture zen). Ce n’est pas baisser
les bras sur la qualité, mais éviter les ostracismes ridicules : mépriser
la musique techno en bloc ou rejeter par principe toute exposition de peinture
européenne ancienne.
Enfin, l’éducation a un rôle central à jouer, comme la visibilité
médiatique avec la valorisation du savoir et de la création. L’éducation se
fait à tout âge et doit se faire à tout âge dans notre monde mouvant. Les
repères sont indispensables pour analyser son environnement. Ils sont la
condition première de choix individuels éclairés. L’ignorance favorise les
manipulations mentales, la surconsommation addictive écervelée, les sectes,
l’esclavagisme.
Le mépris du peuple est un présupposé d’inculture. Cela se combat de deux
manières. D’abord, nous l’avons dit, en incluant la culture populaire dans les
faits culturels (du fromage au lait cru au rap). Ensuite, en arrivant à mêler
les faits culturels entre eux : placer un orchestre de musique dite
classique ou jazz lors d’une fête aux saucissons fermiers, parler de peinture
religieuse du XVIIe siècle à l’occasion de la sortie d’un film, lier la bande
dessinée Tintin à son contexte historique ou Miyazaki à l’écologie... Enfin, en
donnant des repères à tout âge, en ne
pensant pas que l’idéal populaire est l’ignorance –ce qui est une insulte à
tous les citoyens. Mais en arrêtant l’abrutissement bas de gamme destiné à
faire des consommateurs névrotiques passifs, pour offrir des outils de
compréhension du monde qui en feront des consommateurs-acteurs, des
spectateurs-acteurs. Il faut démoder
l’imbécillité et la vulgarité !
C’est une réforme sévère en tout cas du service publique télévisé qui
doit s’opérer, pour insuffler de l’innovation, cesser de copier les chaînes
privées dans leurs pires tendances, arrêter de ne s’adresser qu’aux publics
âgés captifs, ne plus fermer ces écrans à toute la création émergente. Nous y
reviendrons.
Du côté des savoirs, il devient urgent d’affirmer l’aspect indispensable
d’une boussole éducative. Elle doit
servir à donner des bases aux enfants, mais doit guider aussi dans le courant
de la vie. Lire, écrire, compter, certes,
mais aussi se situer dans le temps (notions d’histoire, « stratifiée »
du local au global), dans l’espace (géographie et environnement), dans les sons
(histoire mondiale des musiques), dans le visuel (histoire mondiale de la
production visuelle humaine), en complément des activités du corps
(gymnastique), d’initiation aux langues (et donc à l’ailleurs et aux autres) et
à la diversité des goûts (cantines avec des produits locaux, des recettes
locales et ouvertes sur le monde). Plus âgé, cette boussole se complète par
l’histoire des philosophies et des religions –comprendre la pluralité de
visions du monde-- et bien sûr d’autres spécialités.
Voilà le socle commun indispensable à l’honnête citoyen du XXIe siècle
pour commencer dans la vie, choisir de façon éclairée, et apprendre, rester
curieux.
C’est ainsi à une remise en mouvement d’ensemble que nous appelons. Un
réveil, un big-bang. Sur quelles bases concrètes ?
Trois axes politiques majeurs se dégagent, correspondant à l’organisation
future d’un ministère rénové : la défense de la diversité ; les
patrimoines, le tourisme et les industries culturelles ; les médias et le
développement international. Tous les trois se recoupent, mais ce sont là des
objectifs centraux justifiant une politique d’Etat aujourd’hui.
Pourquoi
défendre la diversité et comment le faire ? Un ministère de passerelles
Contrairement à ce qu’on a pensé longtemps,
la quantité n’est pas le choix, l’abondance n’est pas la liberté d’expression. L’écologie culturelle consiste à protéger certaines formes
anciennes (traditions et savoir-faire en perdition) et à donner les conditions pour le maximum de choix individuels et
l’émergence de formes nouvelles –protéger la liberté qui est toujours menacée.
Affirmons-le en ouverture : l’inculture
et l’acculturation sont toujours des moyens d’asservir et de fragiliser les
plus modestes. La défense des cultures, des expressions
minoritaires, est un impératif majeur pour sortir du désespoir, de l’isolement,
de la perte des repères. C’est, avec l’éducation, la base d’un projet
collectif. Voilà pourquoi nous aspirons à un ministère des cultures, qui exprime bien dans son nom la recherche
et la défense de la pluralité des vecteurs et des expressions. Alors que le mot
« Culture » au singulier fait penser aux formes nobles et élitistes
de la civilisation européenne, le mot « cultures » au pluriel est une
façon d’ouvrir le champ aux expressions populaires européennes ou
extra-européennes. C’est en soi un plaidoyer pour l’ouverture.
L’écologie culturelle, dans ce sens, n’est
pas une frileuse façon de « geler » toutes les expressions du passé
dans un conservatisme réactionnaire, un folklorisme figé, mais une manière de
préserver tout en permettant des évolutions et des innovations, comme
l’écologie sert notamment à sauver la biodiversité, tout en incitant à réinventer
les modes de vie, à innover. C’est ce que nous avons appelé le
« rétrofuturo » : un dialogue entre passé et futur pour bouger
aujourd’hui sur notre planète relative.
Cela correspond à une reterritorialisation, au fait de cesser l’accumulation des grands
établissements parisiens mais de penser au renforcement d’établissements
structurants sur tout le territoire, là où il se passe tant de choses, tant d’initiatives
originales. Cela suppose de s’intéresser à la richesse de l’hexagone et de la
Corse mais aussi à la chance que nous avons d’outre-mer situés sur différents
continents.
Alors, un ministère des cultures rend fier chacune et chacun localement de ses
patrimoines, de ses innovations (les cultures, ce n’est pas uniquement le
passé), leur fait connaître aussi, et ouvre sur le monde. Il englobe ainsi de
fait le tourisme qui est une conséquence économique de la visibilité du
patrimoine matériel et immatériel.
Nous nous situons dans ce qui doit faire
probablement une des fiertés du continent européen (et aussi nord-américain),
l’héritage des penseurs des Lumières : défense de la pluralité d’expression et
des libertés individuelles. Il s’agit d’un combat toujours renouvelé dans ce
qui peut être considéré comme un darwinisme philosophique, c’est-à-dire une
pensée de l’évolution perpétuelle au sein d’une philosophie de la relativité
(puisqu’on a à emprunter et à apprendre de toutes les civilisations, tout en
inventant).
Dans ce contexte, que placer en premier point
de l’activité de l’Etat en matière culturelle si ce n’est la défense de la
diversité ? C’est sa tâche fondamentale, la plus noble. Mais pourquoi donc
la « défendre » ? Parce que nous sommes arrivés dans l’ère du
trop-plein, nous sommes submergés, de livres, de musiques, de spectacles,
d’expos… Et, au lieu de favoriser l’innovation, cela favorise les
« blockbusters » commerciaux et tue tout le reste comme une
production fictive. Cela contribue à l’uniformisation dévalorisée, au brouillage
des repères. Dans un tel contexte de surproduction, aucune création originale
n’a aucune chance, ou presque, de se faire remarquer. Quel honnête citoyen,
quelle libraire, quel critique peut s’y retrouver dans 600 à 700 romans de
rentrée ?
Ce n’est pas de la démocratisation
culturelle, c’est du matraquage industriel, du plus petit dénominateur commun,
de l’acculturation par le bas.
Il importe donc d’aider des structures de
valorisation intermédiaires sur la base large des faits culturels (y associant,
par exemple, la gastronomie et le patrimoine immatériel). La conception
générale doit être un maillage du territoire par des institutions-référence
soit thématiques (théâtre, cinéma, édition, musée et expositions, musique, artisanat,
danse…), soit polyvalentes. A chacune de ces structures choisies en
concertation avec les élus locaux de travailler en réseau et d’offrir une
visibilité à tout ce qui émerge et à toutes les expressions singulières à
défendre. C’est pourquoi il faudra dans chacune avoir deux commissions
renouvelées tous les 2-3 ans : une commission de professionnels et une
commission de citoyennes et de citoyens tirés au sort. Ainsi des bancs d’essai
divers donneront leur chance à tous les types de créateurs.
Ensuite, il faut des relais. Nous y
reviendrons dans la dernière partie sur les nouveaux vecteurs, ce qui fait
image. Il importe en effet aujourd’hui de structurer l’offre de l’Etat dans ce
domaine, de manière à ce que l’Etat soit un passeur,
qu’il aide à faire connaître les initiatives locales, qu’il les porte au
national, au continental, au mondial. A
l’ère d’Internet, les raisonnements doivent tenir compte de publics
concentriques : locaux, nationaux, continentaux, linguistiques (la
francophonie et d’autres aires linguistiques), mondiaux.
Enfin, il faut des repères, répétons-le. Aujourd’hui
où tout se brouille sur le même écran (civilisations, périodes de création,
types de création), jamais le discours pédagogique n’a été aussi faible dans la
société. La boussole pédagogique, dont nous avons parlé, est nécessaire à tout
âge. Alors que tout s’ouvre à une formidable diversité des expressions
culturelles, il faut identifier et apprendre à apprécier des formes très
différentes : l’opéra ou le catch. C’est pourquoi d’ailleurs les grandes
barrières disciplinaires sont souvent obsolètes, que la longue durée est
indispensable ainsi que des approches stratifiées du local au planétaire. Il
faudra en tirer des conséquences en faisant travailler étroitement ensemble un
ministère des cultures fournissant ressources et programmes avec un ministère
de l’éducation qui comprenne aussi bien enseignement supérieur et recherche,
jeunesse et sports, enseignement tout au long de la vie (notamment les
universités populaires ou universités du 3e âge).
Dès à présent, l’apprentissage des grands
repères de l’histoire mondiale de la production visuelle humaine ou ceux de
l’histoire planétaire des musiques –tous deux soutenus par tant de productions
pédagogiques des établissements culturels ou des associations-- doit pouvoir être
enseigné dès le plus jeune âge. Il importe en effet de disposer d’un cadre de
compréhension avant de recevoir des initiations. Nous marchons sur la tête lorsque nous voulons instituer des pratiques
culturelles avant les connaissances culturelles. Nous ajoutons la confusion
à la confusion et –osons le dire— diffusons des illusions.
Faire croire à des millions d’enfants qu’ils
seront des créateurs ou à 60 millions de Françaises et de Français que leur
danse ou leurs poteries sont admirables est un leurre et une source de
frustrations. La pratique créative est une chose passionnante, source
d’épanouissement à tout âge. Elle doit s’inscrire dans un cadre où l’on a des
modèles d’excellence, où l’on comprend la difficulté de l’acte créateur (qui
n’est pas juste une question d’excellence technique), où des repères permettent
de situer les créations, dans le temps, l’espace, les typologies. Cela permet
aussi lors des initiations aux consommations culturelles (visites d’expositions
et de musées, concerts, théâtre…) de les apprécier parce qu’on sait les situer.
La perte des repères institue une fausse
démocratisation car chacune et chacun peut se bercer d’illusions à l’ère des loisirs. Pour rompre avec ce système
hypocrite, il faut alors –répétons-le-- développer la connaissance et instituer
des systèmes intermédiaires de sélection et de valorisation, en jouant sur une
pluralité de regards avec des jurys de professionnels et des jurys de citoyens
tirés au sort.
Il est urgent dans ce domaine de mieux
employer l’argent public sur des objectifs clairs pour des politiques durables
et efficaces, loin de vains saupoudrages sans ligne directrice. Il est temps aussi de considérer le
formidable atout que sont les initiatives privées, les associations, le
bénévolat, facteurs de conjugaison des générations, plus-value collective.
Soutenir
patrimoines, tourisme et industries culturelles : un ministère
d’expertises
Sous prétexte qu’il s’agit de culture, la
question économique est souvent passée sous silence. Comme si une pudeur
insigne interdisait de parler d’argent. Pourtant l’Etat accorde de fortes
subventions. Il doit continuer à le
faire, que ce soit pour des structures non-rentables ou des structures
rentables.
Si
la culture –comme l’éducation—n’a pas de devoir de rentabilité économique, il
n’y a aucune honte à ce qu’elle dégage des profits à côté d’activités de
service public –profits qui
participent à leur financement. L’argent
généré n’est pas « sale », ni honteux. Il est utile. Dans
l’organisation des entreprises culturelles, trois fonctions se
distinguent : l’activité (ou les activités pour les structures
polyvalentes) « cœur de cible » ; la direction générale
culturelle ; les activités administratives, commerciales et de recherche
de mécénat ou partenariat. Cette dernière catégorie doit se développer dans
tous les établissements « tête de pont », « repère
d’excellence », « animateur de réseau », quelle qu’en soit la
nature (polyvalent, théâtre, musée, cinéma, opéra…) : commercialisation
des espaces, merchandising, restauration, vente de services… A cette fin, des
spécialistes doivent être engagés dans toutes ces institutions, avec des
objectifs clairs.
De plus, en temps d’argent rare, il faut bien
penser –répétons-le-- le maillage des
territoires (France et outre-mer), à la fois pour éviter la désertification
culturelle et aussi pour éviter des redondances préjudiciables et coûteuses.
Cela conduira à penser le tissu d’ensemble en réseau et à faire porter les
efforts prioritaires vers les régions ou à cesser de suréquiper Paris sans
songer à l’Ile-de-France, fort bassin de population. La concertation locale
doit présider à ce travail, en tranchant en cas de différent insoluble. Le but
n’est pas de faire fermer des structures mais de favoriser les structures
pilotes qui irriguent ensuite tout le tissu local, qui relaient et donnent
visibilité aux initiatives.
Il importe également de repenser nos rapports
au patrimoine. Désormais, heureusement, il a été élargi, notamment avec le
patrimoine industriel, le patrimoine naturel, le patrimoine immatériel. Mais
nous ne pouvons entrer dans une société disneylandisée où tout est restauré,
reconstruit artificiellement. Ou alors où tout est figé au détriment des
humains, devenus des acteurs dans des parcs. D’autant que souvent ces dépenses
très lourdes sont décidées par des personnes qui sont juges et partie.
Il faut arrêter la gabegie, permettre aussi
l’innovation, et mettre en place des commissions totalement indépendantes qui
n’hésitent pas à laisser des ruines en ruines (comme les célébrait Hubert
Robert) et interdire des restaurations quand il n’y a pas péril en la demeure
pour garder des tissus ou des peintures d’origine.
Et puis, il faut encourager l’initiative
associative, les mobilisations locales, à condition qu’elles soient conseillées
par des spécialistes. C’est pourquoi les châteaux et domaines restés dans les
familles ou acquis avec un souci de pérennisation, qui –on le sait—sont source
de tant de travaux indispensables doivent être protégés dans la mesure où ils
s’ouvrent à la visibilité publique.
D’autant que le patrimoine au sens large –pas
seulement les bâtiments, mais les coutumes, les savoir-faire—est un étendard et
une fierté pour une région. Quoi qu’on en dise, le bâtiment de Franck Gehry
–même s’il était un peu « soucoupe volante » dans cette ville
industrielle sinistrée-- a fait parler de Bilbao, comme Laguiole est célèbre
par son savoir-faire coutelier ou Carhaix avec son festival de musique
(« Les vieilles charrues »). Les cultures –au sens large—font signe. Sur une planète globalisée,
ce sont ces spécificités anciennes ou à inventer qui « tirent » les
images locales. Elles « tirent » aussi l’économie, les entreprises.
Elles favorisent le tourisme.
La mise en valeur de ces fiertés locales
défend la diversité, fait image, mais surtout a un impact économique
indéniable. Voilà pourquoi il faut intégrer le tourisme à la culture, car il est
une conséquence directe du patrimoine, son volet économique. L’aménagement des
territoires se mène dans des concertations où tous ces aspects sont
nécessairement liés. Il favorise le lien social autour de valeurs communes à
préserver et à créer. Culture et entreprises peuvent ainsi se réconcilier en
comprenant que les entreprises sont, dans certains cas, des marques culturelles
fortes et que les cultures sont sources d’identification et de visibilité
importantes pour les firmes.
Parallèlement, des industries culturelles
privées existent bien sûr. Elles touchent à des domaines divers : cinéma,
édition, télévision, jeux vidéos… Beaucoup sont en crise aujourd’hui. Le rôle
de l’Etat n’est pas de les racheter ou de les faire vivre artificiellement.
Néanmoins, il importe d’être très attentif à ce tissu précieux. Rappelons les
incidences du passage de la domination française sur la production
cinématographique internationale avec Pathé et Gaumont (premières compagnies
planétaires avant 1914) à une suprématie des Etats-Unis (Hollywood) à la faveur
de la Première Guerre mondiale. Cela fut un moteur pour toutes les industries
d’outre-Atlantique et l’American Way of Life.
Deux règles doivent guider à cet égard la
puissance publique : la défense de la diversité et l’aide aux
investissements d’avenir. La défense de la diversité –sur laquelle nous avons
insisté-- incite à soutenir des institutions déficitaires parce que l’Etat
considère qu’elles correspondent à une forme de « trésor
national » : préserver un club de jazz historique ou le savoir-faire
d’une entreprise de porcelaine. Cela touche également les médias :
journaux, magazines ou sites internet considérés comme indispensables à
l’expression politique ou culturelle. Des commissions indépendantes renouvelées
tous les 3 ans doivent piloter les décisions avec la possibilité pour le ministre
d’intervenir en urgence.
Il en est de même pour les investissements
d’avenir. Les banques ne jouent pas toujours leur rôle et il faut pouvoir
soutenir ce qui se développe, non pas dans un système de financements
chroniques de longue durée pouvant devenir pervers, mais sous forme d’aides
ponctuelles au développement.
A l’Etat aussi de labelliser (dans des
accords internationaux) les pratiques éthiques au sein des entreprises et dans
leurs actions avec les fournisseurs. A l’Etat d’inciter aux bonnes pratiques
environnementales. A l’Etat de faire comprendre les responsabilités insignes
des fanaux culturels et économiques de chaque région, que des pratiques d’un
autre temps risquent de faire disparaître à cause de la condamnation médiatique
des consommateurs-acteurs. A l’Etat, de balayer devant sa porte en supprimant
les tâches dégradantes (gardien de musée) pour les faire évoluer vers de la
polyvalence. A l’Etat de créer des labels « Patrimoine culturel
écologique », qui concernent les bâtiments, le fonctionnement, les
rapports aux publics et l’éthique.
La
culture n’est donc pas l’ennemie de l’économie. Elle serait même un soutien indispensable et
une défense de l’économie. Elle fait signal. Elle fait marque. Elle fait image.
Faire image pour porter
le local vers le mondial : un ministère de passeurs
De la même manière que beaucoup n’ont pas
encore perçu véritablement les urgences écologiques obligeant à des réponses
concertées et à une planète solidaire (le climat mais aussi les pollutions
massives, la question énergétique…), beaucoup ne comprennent nullement que nous
sommes entrés dans un basculement médiatique, un changement d’ère aux
conséquences multiples. Je l’ai qualifié dans un ouvrage de « guerre
mondiale médiatique » --car l’information devient l’arme la plus redoutable--
et ai analysé dans un film le passage de la « société du spectacle »
--telle que définie par Guy Debord à l’ère de la télévision-- aux
« sociétés des spectateurs-acteurs » en réseaux.
Alors, deux grandes questions en suspens
émergent : l’actuel sous-emploi des possibilités d’Internet minimisant
l’apparition de structures diversifiées de production ; la nécessité de
pôles de médiation intermédiaire variées. Chaque site ou blog Internet
s’adresse en théorie à la communauté des humains. Or beaucoup servent à un
petit réseau d’amis. Pour ce qui relève des institutions de toute nature,
Internet est encore considéré comme une vitrine marginale. C’est oublier que
les publics potentiels en ligne sont beaucoup plus considérables que ceux in
situ. L’investissement du virtuel reste dérisoire comme ses utilisations
pratiques, éducatives, de diffusion culturelle à tout âge. Les pouvoirs publics
n’ont pas encore pris conscience de cette nouvelle ubiquité nécessaire :
des acticité de terrain et des activités diffusées. Cela suppose de s’adresser
résolument aux nouveaux consommateurs induits : sa communauté, l’espace
linguistique (la francophonie), la planète (nous traduisons très peu).
Disons-le, nous sommes seulement à l’aube des
possibilités générées par ce système. Mais le grand danger en fait est
l’appauvrissement des contenus, paradoxalement. Plus il y a de choses, moins on
peut en regarder et plus chacune et chacun se retrouvent sur les mêmes vecteurs
basiques. L’abondance n’est pas le choix
et la liberté se gagne par le volontarisme. Voilà pourquoi l’initiative
d’Etat reste indispensable.
Elle doit encourager à développer des
vecteurs d’information variés, rendant compte d’une action associative, de la
vie d’un immeuble, d’un quartier, d’une entreprise. Les institutions, elles
aussi, doivent rentrer dans des phases structurées de production pour le Net.
Elles deviennent toutes multimédia, avec une imbrication des métiers. Elles
interviennent dans le domaine des loisirs comme dans le domaine éducatif.
L’organisation des contenus en réseau par complémentarité, la défense de la
diversité, la validation et l’expertise se révèlent essentielles. Les citoyens
ont besoin de la part des médias intermédiaires d’enquêtes, de tri, d’apports
d’éléments de connaissance. Ces médias
intermédiaires sont privés et publics. Du côté de la puissance publique, elle
doit relayer la production des pôles d’excellence mais aussi faire déboucher et
rendre visibles les invisibles,
beaucoup de ces micro-productions ignorées, fragiles, en développement. Pour
ce faire, là encore, il convient de mettre en place des commissions renouvelées
indépendantes.
C’est donc à un big bang des contenus qu’il
faut s’atteler. Soutien du privé et pôles de référence regroupés du public.
La
place du savoir et de la création dans nos sociétés est en effet indigne. Et très spécifiquement à la télévision. La
visibilité télévisuelle est en effet réservée aux sportifs, acteurs, hommes
politiques et journalistes. Sont-ce là les seuls modèles pour notre
jeunesse et pour l’ensemble de la population ? Où sont les savants,
les pédagogues, les créateurs ? Il est urgent de réformer le service
public télévisé et d’entraîner les médias vers des pratiques qui ne tiennent
pas seulement au « news market » (emballer les nouvelles de scandale
pour les vendre) ou aux singeries provocatrices sur les mœurs et la violence,
mais à une vraie variété de l’offre et au travail d’enquêtes et de clarifications
par des spécialistes (souvent contradictoires).
Perpétuer
le financement d’un service public télévisé en partie par l’impôt pour avoir
des programmes fabriqués par des sociétés privées et copiant les télévisions
privées est un vol caractérisé. Si une transformation radicale n’est pas opérée, mieux vaut entrer dans
une privatisation intégrale et refonder un canal public qui relaie les
programmes publics et le tissu des initiatives privées innovantes. De toute
façon, un portail est nécessaire désormais pour faciliter la visibilité
générale de l’offre --surtout pas pour étatiser la culture mais pour relayer,
passer, regrouper, rendre visible.
Pour ce qui concerne la presse, en dehors de
la dimension très spécialisée ou de pur divertissement, l’évolution va vers des
groupes multimedia qui sauront apporter de la profondeur à l’information brute
(que chacun peut obtenir en temps quasi immédiat). De même pour la radio. Pour
la télévision en voie d’explosion –car les webtv se multiplient avec des
pratiques de zapping et de consommation à la carte—, le maintien d’un service
public n’a de sens que si s’opère l’inverse des années 1960 (où, grossièrement,
le pouvoir gaulliste contrôlait l’information et l’obédience communiste les
programmes).
Aujourd’hui, l’information doit être
totalement indépendante, probablement avec des partenariats médiatiques
associant tous les médias et toutes les tendances politiques, car
l’indépendance se gagne grâce à la diversité des intervenants et elle seule. Du
côté des programmes en revanche, il est inadmissible que l’argent de la
redevance serve à singer le privé en nourrissant des producteurs privés. Il
faut repenser le système, mettre en place un cahier des charges strict et
directif, laisser le temps aux émissions de s’installer. Il faut inventer des
formules suivant les chaînes : généraliste sur France 2 avec une dimension
nationale et internationale ; vraiment tourné vers le local sur France
3 ; vraiment éducatif sur France 5 (aidant --en partenariat avec les
institutions culturelles-- à mettre en place la « boussole »
éducative à tout âge depuis la petite enfance, favorisant l’acquisition de
repères, travaillant avec les pôles d’excellence culturels) ; culturel international
sur Arte ; vraiment planétaire pour France 24 et thématisé pour les autres
chaînes. De toute façon, là aussi, les multidiffusions par le Net,
l’imbrication des vecteurs, joueront à plein et obligeront à des passerelles
naturelles. Mais c’est un réveil du
service public qui doit s’opérer, lié aux institutions culturelles et à
l’éducation, relai des initiatives locales.
Tout cela participe d’une pensée innovante
sur les modules de programmes qui circulent. La production locale (hexagone et
outre-mer, même amateur, se démultipliant). Les institutions fournissent des
programmes culturels et éducatifs, des repères, des ressources. Les chaînes de
télévision, au sens traditionnel, en pleine mutation, se doublent d’une offre
démultipliée sur le Net. Elles relaient
une sélection des productions individuelles, locales, ou planétaires. Ainsi,
France 2 agrège des modules locaux, francophones et internationaux. Ainsi,
France 3 est un vrai relai d’initiatives locales et d’échanges entre ces
initiatives locales. Ainsi, France 24 fait émerger les expressions
francophones, parle dans des langues planétaires et aide des langues
minoritaires. Ainsi, Arte s’ouvre à la notion relative de cultures planétaires
pour la connaissance et le respect de la diversité des modes de vie, leur
défense et celle de l’innovation.
Voilà comment peuvent se mettre en place des
structures de valorisation culturelle. Elles
sont désormais indispensables à la fois pour stimuler les initiatives et pour
défendre la diversité par des propositions variées au public. Elles permettent
à la France de tenir une place précieuse dans le monde concurrentiel de l’offre
à distance.
Alors, au niveau local, les institutions
doivent se concerter pour faire des offres complémentaires relayées par des
DRAC partenaires des collectivités, liant la culture, le divertissement, la
pédagogie. Elles feront ainsi image pour toute leur région. Au niveau national
(en n’oubliant jamais les outre-mer), il importe de passer, de relayer le local
vers le mondial et aussi de servir de passeur au mondial –spécifiquement aux
expressions singulières, minoritaires, qui en ont besoin—pour atteindre notre
local. Il est bon que cela se fasse dans un espace francophone et,
parallèlement, dans des espaces de langues multiples.
Tout cela se comprend dans des actions
résolues d’exportation des savoirs, des savoir-faire, des cultures. Voilà
pourquoi un ministère des cultures doit pouvoir dynamiser des organisations
comme l’Institut français (renommé et repensé)
pour un pays –le nôtre—qui exporte très mal ses cultures, ne sait pas traduire.
Rassembler, faire travailler ensemble,
donner une visibilité globale. L’exportation des entreprises fonctionne
avec les images de marque locales et nationales. Les cultures et les
savoir-faire sont les fleurons qui permettent la diffusion des produits. Ils
doivent être portés par la volonté d’excellence, l’éthique, la durabilité et la
défense de la diversité qui placent la France comme un exemple de défense de
ses diversités internes et de défense des diversités planétaires dans un destin
commun, donc comme un chantre des libertés et du respect réciproque.
Défense des libertés et des créations, soutien
des industries, des lieux et des coutumes, aide à la diffusion interne et planétaire,
défense partout des diversités dans un discours clair sur une planète relative,
de respect réciproque, solidaire car consciente de vivre une aventure commune.
Cette grande ambition ne nécessite pas juste de l’argent et ce sont sûrement
les bonnes volontés individuelles qui sont les plus précieuses Il faut des
idées, de l’allant, une répartition autre des crédits et des objectifs, la
volonté d’associer tout le monde au lieu de rejeter les compétences. Il est
temps d’avoir les idées claires sur le futur. Les cultures sont un atout
indéniable pour nos territoires. C’est un message d’espoir local et mondial.
Trois impératifs pour
redonner moral et fierté à tous les acteurs culturels, malgré les crises :
- respecter et valoriser les professionnels
pour en refaire des modèles sociaux portant l’innovation
- démocratiser en donnant leurs chances aux
multiples initiatives locales
- mieux répartir l’argent public dans la
concertation pour dynamiser les réseaux structurants et mieux se servir des
nouvelles technologies pour promouvoir culture et éducation
CULTURES DE TOUS CULTURES POUR TOUS
Laurent Gervereau
Président du Réseau des musées de l’Europe
Président de l’Institut des Images
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