Voilà une longue histoire. Ca mijotait depuis un bout de temps. Je me rendais bien compte que je faisais partie de la génération sacrifiée. Juste avant moi, il y avait eu les baby boomers triomphants des années 1960, qui avaient eu le fric, l'emploi, la croissance économique, la contestation, 68, puis les postes et le fric sous Mitterrand, qui tenaient la politique, les médias et l'économie, qui la ramenaient sans arrêt et qui n'en finissaient pas de finir, s'accrochant à tous leurs leviers de pouvoir, chassant en meute, écrasant tous les autres et ayant le culot d'imposer leur regard rétro, de nous bassiner de nostalgie, d'interdire tout futur en inventant cette notion pourrie de "post-modernisme" (du genre, on a tout fait, on a échoué, c'est pas la peine d'essayer autre chose, nous sommes nuls mais indépassables...).
Je ne me suis pas trompé. J'ai vécu L'ERE DE LA MEDIOCRITE, des incapables qui se perpétuent en ne comprenant rien, qui ne font rien (pas de vagues...) pour perpétuer les injustices et les mensonges qui les arrangent, qui déculturent les populations pour mieux les abreuver de publicités et de propagande massives appelées communication, qui brandissent les mots "crise" ou "guerre" pour terroriser, qui vendent du gore et du sexe en jouant les déontologues effarouchés. Bref, on a beaucoup subi la concentration de l'argent, du pouvoir et des médias au détriment des habitants impuissants et décérébrés.
Mon mérite fut d'analyser très tôt ce vol du futur, de comprendre l'entourloupe en cours. Cela m'a conduit à parler publiquement de "fracture générationnelle" à la suite de l'incapable Jacques Chirac s'exprimant devant les "jeunes" à la télévision le 14 avril 2005. Cela m'a conduit à écrire le texte revigorant Bas les pattes sur l'avenir ! dans le livre-objet célébrant l'anniversaire des éditions Sens & Tonka, toujours en 2005.
Et puis, cette même année, j'ai poursuivi la réflexion à travers le livre Halte aux voleurs d'avenir ! J'y ai développé deux aspects : d'une part, suivant mon habitude constructive, quoi faire devant cette médiocrité injuste ; d'autre part, j'y ai étoffé une vision moins manichéenne d'un troisième âge uniformément égoïste et privilégié (il existe des précaires chez les retraités et aussi des solidaires intergénérationnels). Ce livre, qui avait circulé, a ensuite été publié gratuitement en 2010 sur le site www.fauteuiltronik.com de jeunes m'ayant contacté pour faire de l'édition en ligne (le site a fermé depuis). En 2015 enfin, sa dernière version est éditée sur papier et disponible sur gervereau.com. Le "signe" RARE est explicité et lancé dans ce livre. Il sert pour annoncer le 19 janvier 2016 mes 60 ans sur Facebook. Livre d'humeurs mais symbolique de mon parcours de résistance et de visions prémonitoires.
A partir donc de ce constat bouché de 2005, j'ai en effet décidé de contourner l'obstacle en développant des organisations à la base, de l'édition sans argent de livres ou de films, des solidarités qui agissent et se moquent des puissants, un respect nécessaire pour les créateurs et les savants comme modèles sociaux : la Résistance des savoirs et les Rencontres-Promenades "Histoires de Passages..." (elles apparaîtront 10 ans après, en 2015). Plutôt que de subir la marginalisation, je l'ai affirmée comme une force pour la liberté d'action. Et je n'ai cessé d'inventer, d'expérimenter.