Oui, Graham Stevens boit de l'eau ! Vous ne le connaissez pas et vous
avez tort. Architecte de formation à Sheffield, il est assistant de
Buckminster Fuller en 1964 à Paris pour le Congrès International
d'Architecture. En 1965, s'apprêtant à traverser une rue de Londres, il a
l'idée qui orientera tout son travail : grâce à des structures
gonflables, faire décoller des architectures dans l'espace à
significations multiples. Ainsi, dès 1965, il conçoit "Spacefield",
environnement gonflable et multimedia. Dans la foulée, il participe en
1966 au "Destruction in Art Symposium".
Cet élégant et subtil personnage pourrait se la jouer... En
effet, il est alors totalement associé au bouillonnant Swinging London,
participant à des scénographies expérimentales et sensorielles à la
Roundhouse pour le Pink Floyd de Syd Barrett et ses amis de Soft Machine
avec les light shows de Mark Boyle ou lors de l'intervention de Bob
Dylan à l'ïle de Wight. Tout cela dans une atmosphère d'imagination
complice transdisciplinaire où les arts se croisent pour submerger la
société dominante. Et chacun connaît chacun : il est présent
naturellement chez son copain galeriste pour l'inauguration de
l'exposition de Yoko Ono --qu'il connaît déjà-- lorsque vient John
Lennon sévère d'abord puis, étant monté sur un escalier pour lire une
petite inscription, séduit par un humour proche du sien et commençant
une nouvelle phase de sa vie affective --et de sa vie tout court.
Mais cessons de faire les groupies avec quelqu'un qui ne se la
pète pas. Il y eut un moment magique à Londres à ce moment-là, dont j'ai
pu rendre compte en 1996 dans l'exposition sur les Sixties. Graham
Stevens a eu le mérite de poursuivre sa route poétique, installant un
nuage solaire dans le désert en 1972 et désormais travaillant pour le
mouvement Blue Green (www.bluegreenuk.com), écologistes voulant transformer les villes en intervenant notamment sur les questions d'eau.
Tout cela pour dire qu'il est venu à la maison avec Jacqueline
Stanic (que je fréquente depuis les grandes expositions Paris-Berlin et
Paris-Moscou au Centre Pompidou de Pontus Hulten) et que nous avons
passé un moment sobre mais délicieux, la conversation roulant de l'un à
l'autre dans le plaisir d'évoquer des amis communs et des événements,
sans nostalgie, comme une force pour continuer à faire. Blue Green est
d'ailleurs sur www.see-socioecolo.com. J'irai bientôt à Londres et Graham passe dans le mag vidéo sur www.decryptimages.net en janvier.
Un des plus grands plaisir de la vie est d'avancer en découvrant
des oeuvres généreuses et des personnages délicieux qui nous donnent
réellement envie de poursuivre contre toutes les médiocrités. |